De notre correspondante
à New York
LES CARCINOMES épidermoïdes de la tête et du cou occupent le sixième rang en fréquence mondiale des cancers. Environ 76 000 nouveaux cas de cancers de la bouche, du pharynx et du larynx seraient diagnostiqués chaque année en Europe de l'ouest.
Lorsque ces cancers sont opérables, mais localement avancés, le traitement de choix a longtemps été la résection chirurgicale suivie de radiothérapie postopératoire (ou adjuvante). Cependant, malgré ce traitement, les récidives locorégionales restent fréquentes et le taux de survie sans maladie à 5 ans demeure inférieur à 50 %. Une stratégie pour améliorer le résultat thérapeutique chez ces patients est d'intensifier les effets de la radiothérapie adjuvante en administrant simultanément une chimiothérapie.
Deux études randomisées de phase III, l'une européenne (Eortc), l'autre américaine (Rtog), ont recherché si cette stratégie améliore le résultat thérapeutique. Les travaux sont publiés dans le « New England Journal of Medicine ».
Six investigateurs français.
L'étude Eortc (débutée en 1994) a été menée par 14 investigateurs européens, dont 6 français, les Drs Domenge et Bourhis (IGR, Villejuif), Lefebvre (Lille), Maingnon (Dijon), Rolland (Saint-Herblain) et Bolla (Grenoble). Elle porte sur 334 patients, suivis en moyenne pendant 5 ans. Elle a été conçue de façon à détecter une augmentation absolue de 15 % de la survie sans maladie.
L'étude Rtog (débutée en 1995) porte sur 416 patients suivis en moyenne pendant 4 ans. Elle a été conçue de façon à détecter une augmentation absolue de 15 % dans le taux de contrôle locorégional de la tumeur après deux ans.
Les patients éligibles dans les deux études ont un carcinome épidermoïde de la tête et du cou (bouche, oropharynx, larynx ou hypopharynx), complètement réséqué, pouvant tolérer la chimiothérapie et présentant un risque élevé. Dans l'étude Rtog, ce risque accru est défini par l'un des critères suivants : bords de résection positifs, deux ganglions régionaux ou plus, ou dissémination extracapsulaire. Dans l'étude Eortc, le risque est considéré comme accru en présence de : bords de résection positifs, dissémination extracapsulaire, envahissement ganglionnaire de niveau IV ou V dans le cas des tumeurs buccales ou oropharyngées, maladie périneurale ou embolie tumorale vasculaire.
Les traitements adjuvants (de quatre à six semaines après l'opération) sont similaires dans les deux études : radiothérapie radicale (de 60 à 66 Gy) sur une période de six semaines, seule ou associée à la chimiothérapie par cisplatine (100 mg/m2 de surface corporelle, en trois cycles administrés à J1, J22 et J43 de la radiothérapie).
Supériorité du traitement combiné.
Les analyses des deux études montrent la supériorité du traitement adjuvant combiné. En effet, la chimiothérapie concomitante à la radiothérapie adjuvante améliore le taux du contrôle locorégional de la tumeur, à deux ans, de 10 % dans l'étude Rtog (taux de 82 % dans le groupe traitement combiné, contre 72 % dans le groupe radiothérapie), et majore le taux de survie sans maladie, à 5 ans, de 11 % dans l'étude Eortc (taux de 47 % dans le groupe traitement combiné, contre 36 % dans le groupe radiothérapie).
Toutefois, seule l'étude européenne démontre une survie globale significativement accrue (53 % dans le groupe traitement combiné, comparée à 40 % dans le groupe radiothérapie). Aucune étude n'a observé une réduction des métastases à distance.
Le traitement adjuvant intensifié par cisplatine s'accompagne d'une toxicité accrue à court terme. L'incidence des effets secondaires sévères est de 77 % dans le groupe de traitement combiné comparé à 34 % dans le groupe radiothérapie pour l'étude Rtog, et respectivement de 41 et 21 % pour l'étude Eortc). Mais le traitement n'élève pas l'incidence de la toxicité tardive.
Majoration des effets bénéfiques et toxiques.
Ces résultats suggèrent donc que le principal effet du cisplatine concomitant n'est pas la prévention des métastases, mais la majoration des effets bénéfiques et toxiques de la radiothérapie.
Une nouvelle norme de soin.
« Nos données, jointes à celles de l'étude Eortc, établissent une nouvelle norme de soin pour le traitement adjuvant des patients atteints d'un cancer de la tête et du cou à haut risque, et physiquement aptes », conclut l'équipe Rtog.
« Les résultats de morbidité tardive observés jusqu'ici dans les études Rtog et Eortc indiquent que cette approche de radiothérapie et chimiothérapie concomitante apporte un réel bénéfice », commentent, dans un éditorial, les Drs Saunders (University College of London, Londres) et coll. Faisant entrevoir les résultats prometteurs de la radiothérapie postopératoire accélérée (trois semaines au lieu de six), le prochain pas pour améliorer les résultats, selon ces éditorialistes, sera d'identifier le protocole de radiothérapie le plus efficace.
« New England Journal of Medicine », 6 mai 2004, pp. 1937, 1945, 1997.
Eortc : European Organization for Research and Treatment of Cancer.
Rtog : Radiation Therapy Oncology Group.
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