A PRES un bref épisode d'ischémie myocardique, trop court pour produire un infarctus, une dysfonction ventriculaire gauche est fréquemment observée, malgré la normalisation du débit coronaire. Cette anomalie finalement réversible est appelée sidération myocardique. En dépit de nombreuses études consacrées à ce phénomène, sa pathogénie propre reste encore mal définie. Certains travaux le caractérisent comme un syndrome plutôt qu'une entité seule, dans lequel les radicaux libres jouent un rôle central lors de la reperfusion et où la surcharge calcique contribue aux lésions de reperfusion.
En clinique, la difficulté majeure est représentée par le diagnostic différentiel. En effet, la distinction entre ce syndrome, encore appelé « stunning », un infarctus ou encore un « myocarde hibernant » n'est pas facile. Le traitement de la dysfonction cardiaque secondaire à la sidération repose sur la notion de présence d'une réserve inotrope ; ainsi, l'administration d'agents inotropes positifs permet, grâce aux agents vasodilatateurs, de réduire la postcharge, et, donc, d'éviter d'entrer dans le cercle vicieux de la sidération qui provoque l'hypoperfusion coronarienne, qui, elle-même, entraîne l'ischémie. Cependant, à l'heure actuelle, les stratégies les plus intéressantes demeurent prophylactiques : les travaux expérimentaux ont prouvé l'efficacité des méthodes qui préviennent la surcharge calcique, empêchent la formation des radicaux libres de l'oxygène et facilitent l'ouverture des canaux potassiques ATP-dépendants.
Un phénomène endogène de protection myocardique
Décrit en 1986 par Murry et coll. (1), le préconditionnement ischémique (PI), en retardant le délai d'apparition de l'infarctus, apparaît comme un phénomène endogène de protection myocardique. En effet, ces auteurs ont montré que de brefs épisodes successifs d'ischémie et de reperfusion précédant une ischémie de quarante minutes provoquaient un infarctus dont la superficie était de 25 % plus petite que celle d'un infarctus provoqué lors d'une ischémie isolée. Expérimentalement, ce phénomène semble être transmissible au sein d'un même organe ou à d'autres organes. En effet, une occlusion temporaire de l'artère circonflexe provoque, lors d'une ischémie longue, la protection du territoire myocardique adjacent, vascularisé par l'artère interventriculaire antérieure. Par ailleurs, un bref épisode d'ischémie rénale entraîne une protection myocardique lors d'une ischémie cardiaque. Ce sont des médiateurs qui déclenchent les voies du PI. Certains ont été identifiés : il s'agit de l'adénosine, de l'acétylcholine, des catécholamines, de la bradykinine et des morphiniques. Les mécanismes impliqués dans le PI interorgane sont les mêmes que ceux qui sont impliqués dans le PI classique, à savoir l'activation du récepteur à l'adénosine, et des canaux potassium ATP-dépendants.
Les particularités de ce phénomène ont intéressé les chirurgiens cardiaques. Durant ces quinze dernières années, ils ont tenté de pratiquer une évaluation du PI.
Le préconditionnement en chirurgie cardiaque
Des essais effectués au cours d'interventions chirurgicales, consistant en un bref clampage aortique précédant une courte reperfusion avant l'arrêt cardioplégique, n'ont pas permis de mettre en évidence le moindre effet cardioprotecteur. Les recherches se sont alors tournées vers les médiateurs de la réaction. Partant du principe que l'adénosine et les opioïdes jouent un rôle de médiateur dans cette réaction, les chercheurs ont testé l'action de différents produits. Les résultats ont été décevants. Il existe deux raisons à cela : la première est que le PI a pour effet principal de limiter la taille de la nécrose et non de corriger la sidération myocardique proprement dite, et la seconde repose sur le fait qu'il n'existe pratiquement aucun produit préconditionnant susceptible d'être aisément utilisé chez les patients (l'adénosine est hypotensive à haute dose, le nicorandil n'existe pas en Europe sous forme injectable, les agonistes des récepteurs opioïdes delta ne sont pas disponibles chez l'homme).
La recherche d'approches alternatives
Ce constat un peu décevant a conduit à la recherche d'approches cardioprotectrices alternatives. La voie la plus prometteuse paraît être celle fondée sur l'inhibition de l'échangeur sodium proton (voir encadré). En bloquant la succession d'événements qui aboutissent à la surcharge cellulaire en calcium, ces drogues inhibitrices permettent de diminuer le caractère irréversible des lésions myocardiques. Actuellement, le cariporide et l'éniporide font l'objet d'essais cliniques.
« Les nouveaux syndromes ischémiques », conférence organisée lors des 9es Journées d'actualité en perfusion. D'après les Prs P.-F. Wouters (Louvain), V. Piriou (Lyon), P. Menasché (Paris).
(1) Murry C. E. « Preconditioning withIischemia : a Delay of Lethal Cell Injury in Ischemic Myocardium ». « Circulation », 1986 ; 74 : 1124-1136.
L'échangeur sodium-proton
Au moment de la reperfusion, l'échangeur permet l'extrusion des protons accumulés pendant l'ischémie en échange d'une entrée de sodium. L'inefficacité, à ce stade, de la pompe Na+/K+ fait que ces ions sodium en excès ne peuvent à leur tour sortir de la cellule que par la pompe NA+/Ca++ qui, fonctionnant alors en mode « reverse », fait rentrer du calcium dans les cellules.
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