Dr Olivier DE SOYRES, Olivier ANGLES, Olivier FOURCADE
Sur le plan physiopathologique, la théorie « hyperimmunitaire » était communément admise. En 1972, Lewis Thomas écrivait : « Our arsenals for fighting off bacteria are so powerful that we are more in danger from them than the invaders. »(4). Les conséquences de la réaction inflammatoire systémique seraient donc essentiellement responsables des désordres observés. Pourtant, les nombreux essais thérapeutiques à visée anti-inflammatoire ont été décevants. Par ailleurs, les taux de TNF-alpha et d'IL1 bêta sont fréquemment indétectables chez l'adulte en état de choc septique (de 75 à 90 %) (5, 6, 7). De même, l'augmentation de l'incidence des sepsis chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et traités par anti-TNF souligne le rôle de cette cytokine dans la lutte anti-infectieuse. Ces données semblent indiquer que l'état de choc septique ne peut être uniquement expliqué par un assaut de toxines bactériennes et de cytokines.
Enfin, certaines particularités génétiques pourraient jouer un rôle important. Ainsi, des souris mutantes sur leur gène exprimant TLR4 (Toll Like Receptors nécessaires à la reconnaissance antigénique) ne développent pas d'état de choc endotoxinique, mais leur mortalité est augmentée. Chez l'homme, des mutations spontanées TLR4 existent et les rendraient plus sensibles au sepsis (8, 9, 10).
La réponse systémique à l'infection est donc complexe et variable. Elle dépend notamment du patrimoine génétique, des facteurs de comorbidité, de la virulence du germe et de la taille de l'inoculum... Une immunodépression des patients semble rapidement prédominante et, dans l'avenir, le clinicien pourra probablement s'aider du profil génétique du patient pour choisir des traitements immunomodulateurs adaptés à chaque patient.
Quelques avancées récentes sont significatives
1) L'hydrocortisone
Les concepts d'insuffisance surrénalienne relative et de syndrome de résistance périphérique aux glucocorticoïdes donnent aujourd'hui sa place à l'hydrocortisone (HC) (11-12). L'insuffisance surrénalienne relative se définit par l'absence de réponse (cortisolémie < 9 µg/dl) trente et soixante minutes après injection de 250 µg d'ACTH (Synactène immédiat). Elle est corrélée à la mortalité. Deux études contrôlées, randomisées ont montré une réduction de la mortalité en cas de traitement par HC dans le choc septique.
Bollaert et coll. (13) utilisaient l'HC à la posologie intraveineuse de 100 mg trois fois par jour, pendant au moins cinq jours. Le sevrage était ensuite progressif. Les résultats montrent une diminution de la durée du choc, de la quantité de catécholamines perfusées et de la mortalité à J28.
Annane et coll. (14) utilisaient l'HC à la posologie de 50 mg quatre fois par jour, associée à la 9 a-fludrocortisone (50 mg per os). La durée du traitement était de sept jours sans sevrage dégressif. L'étude conclut à la réduction de la mortalité chez les patients non répondeurs au test à l'ACTH (D cortisol < 9 mg/dl) et traités par HC par rapport au placebo (respectivement 53 %, contre 63 %). Par contre, les auteurs préconisent l'arrêt de l'HC chez les patients dont le test de stimulation à l'ACTH est positif.
2) La protéine C activée
La protéine C activée est une protéine endogène qui favorise la fibrinolyse et inhibe la thrombose et l'inflammation au cours des sepsis sévères (15, 16, 17). Les patients présentent fréquemment un déficit en protéine C. L'administration de protéine C activée dans un délai inférieur à quarante-huit heures a montré une réduction de la mortalité par rapport au placebo (respectivement 24,7 % versus 30,8). Ce traitement a entraîné une réduction du risque relatif de mortalité de 19,4 % et une réduction absolue du risque de mortalité de 6,1 %.
La protéine C activée a obtenu l'AMM dans le sepsis sévère associé à deux défaillances d'organe. Elle est contre-indiquée chez les patients à risque hémorragique élevé. Chez le patient dialysé, sa pharmacologie semble inchangée et l'anticoagulation du circuit semble inutile.
3) L'insuline
Les états d'agression aiguë s'accompagnent couramment d'une résistance hépatique et musculaire à l'insuline. Des chiffres assez élevés de glycémie (jusqu'à 10 à 12 mmol/l) étaient classiquement tolérés en réanimation selon l'adage qui dit que « mieux vaut une hyper- qu'une hypoglycémie ». Mais l'étude de Greet Van den Berghe et coll. (18) montre une réduction de la mortalité chez les patients dont la glycémie était étroitement maintenue dans les valeurs normales (4,4 à 6,1 mmol/l). On constatait également une diminution du nombre de sepsis. Un contrôle très rigoureux de la glycémie paraît donc nécessaire.
4) Vite !
L'intérêt d'une optimisation hémodynamique très précoce (six premières heures) est à nouveau souligné par l'étude de Rivers et coll. (19) qui montre une réduction de la mortalité à deux mois, lorsque l'expansion volémique, l'hématocrite et l'utilisation d'inotropes sont standardisées et guidées par les valeurs de pression artérielle, de pression veineuse centrale, de diurèse horaire et de saturation veineuse en oxygène (SvO2).
Enfin, il est bien sûr indispensable de rappeler l'intérêt d'une double antibiothérapie intraveineuse précoce et efficace sur les germes suspectés. Les mesures thérapeutiques décrites ci-dessus montrent un bénéfice sensible pour les patients. Elles ne sont pas exclusives les unes des autres et nous pouvons espérer que leur association (adaptée) permettra de nouveaux progrès.
Service d'anesthésie-réanimation, hôpital Purpan, CHU Toulouse
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