De notre correspondante
à New York
L E gène de la chorée de Huntington a été découvert en 1993. Il aura donc fallu attendre huit ans après cette découverte pour que l'on comprenne comment le gène muté provoque la mort des neurones.
« Evidemment, notre objectif était de comprendre le mécanisme de la chorée de Huntington afin de pouvoir interférer précocement avec ce mécanisme à l'aide de médicaments », commente, dans un communiqué, le Dr Christopher Ross, qui a dirigé cette recherche à l'université Johns Hopkins de Baltimore (Etats-Unis). « Mais cela représente aussi une avancée plus large », ajoute le Dr Ted Dawson, un autre membre de l'équipe. « Cela nous montre une nouvelle façon dont les erreurs génétiques peuvent causer la maladie. »
Mouvement choréo-athétosiques, démence, décès
La chorée de Huntington (CH) est une grave maladie neurodégénérative héréditaire, caractérisée par la mort des neurones, principalement dans le corps strié, une région du cerveau qui aide à contrôler les mouvements et la pensée. Elle débute généralement vers la quarantaine avec des mouvements choréo-athétosiques, puis survient une démence progressive et le décès. La transmission héréditaire est autosomique dominante, et le gène muté interférerait avec la fonction normale de la cellule (gène « gain de fonction »).
On sait depuis longtemps que la mutation du gène aboutit à une amplification des répétitions de polyglutamine dans la protéine huntingtine. L'huntingtine anormale s'agrège et forme des inclusions dans les neurones du cerveau des patients. Mais les agrégats d'huntingtine ne sont pas directement toxiques. Alors par quel mécanisme induisent-ils la toxicité cellulaire ? Il a été suggéré récemment que les polyglutamines amplifiées pourraient modifier la forme de l'huntingtine et entraîner des interactions anormales avec d'autres protéines contenant de courts segments de polyglutamine, comme la CBP (CREB Binding Protein). Or la CBP est un coactivateur de la transcription de gènes qui favorisent la survie des neurones. Nucifora, Ross et coll. ont examiné cette hypothèse.
La CBP piégée dans les agrégats de huntingtine
Dans des cellules en culture transfectées avec le gène mutant de la CH, les chercheurs ont découvert, en attachant des marqueurs fluorescents à l'ADN, l'huntingtine et la CBP, que la CBP est absente de son lieu nucléaire normal et séquestrée dans les agrégats d'huntingtine. Ils ont aussi démontré que cette séquestration survient chez la souris transgénique porteuse du gène humain mutant, ainsi que, lors d'études post mortem, dans le cerveau des patients affectés. Les chercheurs montrent que les répétitions amplifiées de polyglutamine interfèrent spécifiquement avec la transcription des gènes activés par la CBP.
Ainsi, l'huntingtine anormale attire la plus petite protéine CBP dans le noyau de la cellule et forme des enchevêtrements avec elle. La protéine CBP, qui joue un rôle crucial pour la survie des neurones, est déplacée de son site d'action le long de l'ADN et séquestrée dans les inclusions où elle devient inutile.
Reste à étudier un modèle animal
« Sans CBP, une voie cruciale pour la survie cellulaire n'est jamais activée », commente le Dr Ross.
Ce qui est peut-être le plus important est que les chercheurs montrent que la surexpression de CBP - ou d'une version de la CBP privée de la région attirant l'huntingtine mutante - abolit complètement l'effet toxique de l'huntingtine mutante dans des neurones en culture. Il reste maintenant à démontrer cela dans un modèle animal, ce qui risque d'être plus compliqué. Par ailleurs, les polyglutamines amplifiées pourraient exercer leur effet toxique dans la cellule en séquestrant non seulement la CBP, mais aussi d'autres protéines contenant de courts segments de polyglutamine.
Cette recherche suggère néanmoins que les interactions entre les polyglutamines amplifiées et les protéines contenant de courts segments de polyglutamine pourraient représenter une cible précieuse pour développer de futurs traitements pour la chorée de Huntington. De plus, ces résultats s'appliquent aussi à d'autres troubles neurodégénératifs héréditaires qui sont, de la même façon, causés par une amplification des polyglutamines.
« Science » du 23 mars 2001, p. 2423.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature