JUSQU’AU VOTE de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, les successions demeuraient régies par le code civil de 1804. Seuls les droits du conjoint survivant et de l’enfant adultérin avaient été améliorés en 2001 (loi du 31 décembre 2001). Les textes n’étaient donc plus adaptés à la réalité familiale actuelle, et des corrections importantes s’imposaient. C’est ce qu’a fait la nouvelle loi qui entrera en vigueur le 1er janvier 2007. Ces modifications touchent, entre autres, les possibilités de libéralités en faveur du conjoint.
Afin d’organiser sa succession, l’époux peut choisir de consentir une donation à son conjoint portant sur un bien présent. Dans ce cas, la propriété est instantanément transmise au donataire puisque la donation prend effet le jour où elle est consentie. Cette démarche permet de limiter les droits de mutation dans la mesure où la valeur du bien prise en compte est celle du jour de la donation et non du jour du décès. Une procédure intéressante si vous pensez que votre résidence principale risque de prendre de la valeur entre la date de la donation et celle de votre décès.
Des donations désormais irrévocables.
Les donations de biens présents consenties depuis le 1er janvier 2005 sont irrévocables. Cette situation nouvelle met fin à une sérieuse instabilité. En effet, avant cette date, le donateur pouvait revenir à tout moment sur sa donation ou sur l’avantage matrimonial consenti au conjoint. Ce qui pouvait créer une situation inextricable puisque le donateur avait la possibilité de renoncer à sa donation même si le bien avait été vendu par l’époux donataire. Attention : puisque «donner, c’est donner» , mieux vaut être sûr de l’avenir du couple avant de prendre une telle décision ; faute de quoi vous pouvez dire adieu à votre sept pièces rue de Longchamp, qui était pourtant dans votre famille depuis des générations.
Enfin, qu’en est-il des donations antérieures au 1er janvier 2005 ? Pour mettre un terme à une incertitude juridique, la loi du 23 juin 2006 prévoit que toutes les donations de biens présents consenties entre époux pendant le mariage deviennent irrévocables. Par conséquent, cette nouvelle mesure concerne les donations qui sont intervenues avant le 1er janvier 2005, conformément aux dispositions antérieures à la loi du 26 mai 2004.
La « donation au dernier vivant ».
La donation au conjoint survivant dite « donation au dernier vivant » porte, elle, sur les biens à venir, c’est-à-dire ceux qu’une personne possédera au jour de son décès. Il est possible de faire porter la donation sur la totalité de la succession en précisant qu’elle ne sera réduite à une des quotités légales que si les enfants en font la demande. Afin de garantir une certaine harmonie familiale, il est possible de limiter automatiquement la donation aux quotités légales en usufruit ou en propriété, en présence d’enfants ou de petits-enfants.
Rappelons en effet que la loi nouvelle n’a rien modifié en la matière : il demeure impossible de déshériter totalement ses enfants. La fraction de la réserve (part des biens qui revient aux héritiers réservataires) et celle de la quotité disponible (part restante des biens une fois que le montant de la réserve est déduit, dont vous pouvez disposer librement par donation ou legs) varie selon le nombre d’héritiers : vos enfants bénéficient d’une « réserve » représentant la moitié de la succession si vous avez un enfant, les deux tiers si vous avez deux enfants, les trois quarts si vous avez trois enfants ou plus ; en l’absence d’enfants ou de descendants, le quart de la succession doit être réservé au conjoint.
A noter que la réforme a supprimé la réserve des ascendants lorsque le défunt n’a pas d’enfant. En contrepartie, les ascendants bénéficient d’un droit de retour sur les biens qu’ils ont donnés à leur enfant si celui-ci décède avant eux.
Et un testament ?
Il est parfaitement envisageable d’organiser sa succession en avantageant son conjoint par le biais du testament qui permet de mieux répartir les biens en fonction de la situation familiale et des besoins de chacun. Comme pour les donations, le notaire pourra conseiller les époux sur la nature des clauses à insérer dans le document.
Le testament constitue en effet un moyen efficace d’organiser sa succession dans le plus grand secret. A condition toutefois que les règles de fond et de forme soient respectées et que la conservation en soit assurée. Il est possible de favoriser son conjoint, mais également l’un de ses enfants (un fils handicapé, par exemple) par rapport aux autres. Pour cela, il suffit de consentir à la personne concernée une libéralité portant sur un pourcentage de la succession ou sur un bien déterminé. Ce qui permettra de transmettre tout ou partie de la quotité disponible sans que cela n’ait d’incidence au moment de l’ouverture de la succession. Il convient toutefois d’être attentif à la valeur des biens légués car le calcul se fera au décès (votre sept pièces rue de Longchamp représentera peut-être plus d’un quart de votre patrimoine le jour de votre décès).
Sachez à ce propos que le fichier central des dispositions de dernières volontés a pour objectif d’établir la liste de toutes les dispositions de dernière volonté reçues dans les offices notariaux. Lors de l’ouverture d’une succession, le notaire consulte le fichier, par voie électronique et en temps réel, afin de savoir si le défunt a rédigé un testament déposé dans une autre étude. Il est donc fortement recommandé pour le testateur de faire enregistrer son document. Cela permet d’éviter que le testament ne soit perdu et demeure méconnu. A noter également que le fichier central des dispositions de dernières volontés s’étend progressivement au niveau européen.
Enfin, il existe une forme de testament qui permet d’attribuer à ses héritiers les différents biens dont on est propriétaire : il s’agit du testament-partage. Dans ce cas, chaque héritier se verra léguer un bien particulier sans se retrouver soumis au régime de l’indivision.
Bénéficiaire de l’assurance-vie.
Autre possibilité pour protéger votre conjoint : ouvrir une assurance-vie dont il est bénéficiaire. Prenez donc soin de bien rédiger la clause bénéficiaire : si votre conjoint est en fait votre concubin, vous devez rédiger une clause adaptée désignant comme bénéficiaire «la personne avec qui je vis en concubinage» ou «la personne avec qui j’ai contracté un Pacs». Vous pouvez également désigner votre moitié par son nom. Dans ce cas, mieux vaut être le plus précis possible (nom, prénom, date de naissance, numéro de Sécurité sociale), et s’en souvenir le jour d’un éventuel divorce pour penser à modifier ladite clause. Car mentionner « Mme Claire Dupont » au lieu de « ma conjointe » revient à en faire la bénéficiaire de votre contrat même si vous divorcez.
N’oubliez pas non plus que, depuis la nouvelle loi sur le divorce, si vous avez choisi votre conjoint comme bénéficiaire de votre contrat d’assurance-vie, celui-ci bénéficie de la possibilité de l’accepter… et vous perdez alors tout pouvoir sur votre épargne. Impossible de récupérer votre argent sans son accord, ni bien entendu de changer la clause bénéficiaire. Et ce n’est pas tout : pour peu que vous ayez alimenté votre contrat avec des fonds provenant de la communauté que vous formiez avec votre époux(se), il(elle) peut vous demander, après le divorce, de l’indemniser pour la moitié des sommes déposées sur le contrat.
Néanmoins, ce problème ne concerne que les contrats ouverts depuis le 1er janvier 2005, date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur le divorce, et ceux dont la clause bénéficiaire a été modifiée depuis cette date. Il faut aussi que le contrat ait fait l’objet d’une acceptation écrite du conjoint, ou qu’elle soit tacite. Un second cas plus fréquent : le nantissement d’un contrat d’assurance-vie pour un prêt, montage couramment utilisé aujourd’hui, est, par exemple, considéré comme une acceptation tacite.
Dans l’attente de possible décisions juridiques qui pourraient revenir sur cet épineux problème, si vous n’êtes pas sûr à 100 % de l’avenir de votre couple, mieux vaut désigner votre conjoint comme bénéficiaire par testament, et le préciser sur votre contrat d’assurance-vie : l’assureur, qui n’a pas connaissance des bénéficiaires, ne pourra pas valider leur acceptation. Et en optant pour cette technique, vous vous laissez la possibilité de changer librement de choix tout en conservant le secret de votre décision et ainsi garder la liberté de reprendre votre capital.
Changement de régime matrimonial simplifié.
Dernière solution : changer de régime matrimonial ; mais cette possibilité était jusqu’à présent relativement coûteuse malgré les quelques avantages fiscaux accordés temporairement. A compter du 1er janvier 2007, le changement ou l’adaptation de régime matrimonial ne nécessitera plus d’homologation judiciaire en l’absence d’enfant mineur ou si aucun enfant majeur s’y oppose. La liquidation du régime matrimonial modifié s’opère uniquement par acte authentique rédigé par un notaire. Une telle modification du régime matrimonial (au profit d’un régime de communauté universelle pour protéger totalement votre conjoint, par exemple) suffit bien souvent à sécuriser son conjoint, sans pour autant recourir à la donation.
Exemple pratique
Monsieur et Madame X ont deux enfants communs. Monsieur X décède. Il avait auparavant consenti une donation à son épouse, ce qui permet à celle-ci d’hériter, soit d’un tiers des biens en pleine propriété, soit d’un quart en propriété et des trois quarts en usufruit, soit de la totalité de l’usufruit. En l’absence de cette donation, Madame X n’aurait pu prétendre qu’à un quart de la succession en propriété ou à la totalité en usufruit.
Droit de retour des frères et sœurs
L'existence de dispositions testamentaires contraires ne peut faire échec à l'application du droit de retour légal au profit des frères et sœurs. C'est ce que confirme une réponse ministérielle au député Serge Poignant. Le garde des Sceaux a en effet précisé que, selon les termes de l'article 757-3 du Code civil (ci-après) tel qu'il résulte de la loi du 31 décembre 2001, ce droit de retour constitue une succession particulière, distincte de la succession légale, dont l'effet est de soustraire la portion des biens ou donation qui se retrouvent en nature dans la succession, de la masse de calcul des droits du conjoint survivant.
L'application de ce droit de retour ne peut être évitée que par la seule renonciation des frères et sœurs auxquels il bénéficie, de telle sorte que l'existence de dispositions testamentaires contraires, en particulier un legs universel au profit du conjoint survivant, ne peut faire échec à son application.
Réf : Réponse ministérielle, « JO » AN du 11 juillet 2006, Questions et réponses, p. 7371
Et article 757-3 du Code civil : « Par dérogation à l'article 757-2, en cas de prédécès des père et mère, les biens que le défunt avait reçus d'eux par succession ou donation et qui se retrouvent en nature dans la succession sont, en l'absence de descendants, dévolus pour moitié aux frères et soeurs du défunt ou à leurs descendants, eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l'origine de la transmission. »
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