« Il est extrêmement difficile de diagnostiquer la profondeur d’une brûlure, insiste le Pr Maurice Mimoun, chirurgien à l’hôpital Saint-Louis, centre des brûlés. Les spécialistes réservent toujours leur jugement. Car à l’exception des coups de soleil, ils savent combien l’aspect clinique peut être trompeur : une brûlure avec un aspect clinique inquiétant peut cicatriser sans marque, une autre d’allure plus bénigne peut évoluer de façon très défavorable. »
Les brûlures très profondes sont indolores… Ce critère qui rassure le patient est au contraire très préoccupant. « Au moindre doute, quelle que soit la surface de la brûlure, il faut adresser le patient en centre spécialisé pour mettre en route un traitement adéquat. Sauf brûlure très superficielle, c’est toujours l’affaire du spécialiste », rappelle le Pr Mimoun.
Le pronostic vital d’un brûlé dépend de la surface brûlée, mais aussi de l’état général, des comorbidités et de l’âge. Il existe de nombreuses règles pronostiques. La règle de Baux a l’avantage de la simplicité. Elle additionne l’âge et la surface brûlée. À partir de 50, le pronostic commence à être engagé ; à plus de 100, il est sombre (à 70 ans, une brûlure de 20 % est grave).
L’excision-greffe précoce
Les techniques thérapeutiques sont aujourd’hui codifiées. L’excision-greffe précoce consiste à exciser le plus vite possible la brûlure profonde ou intermédiaire (car elle rejette des toxines) pour la remplacer par une greffe de peau autologue. C’est en général une greffe de peau mince. La finesse de la couche de l’épiderme prélevé laisse assez d’îlots épidermiques sur la peau restante pour qu’elle se régénère seule (persiste une marque discrète). Dans les centres modernes, après avoir rasé les cheveux, on prélève préférentiellement le cuir chevelu, car il se régénère en 3 ou 4 jours, sans marque ni douleur. La greffe en filet inventée par Vandeput transforme le prélèvement en un filet qu’on peut détendre et multiplie la surface par 3, 6, voire 9.
Quand le pronostic vital est en jeu, le brûlé est pris en charge dans un centre de grands brûlés où chirurgiens et réanimateurs travaillent en équipe. S’il ne reste que de 20 à 30 % de peau saine, elle doit être prélevée plusieurs fois à 3 ou 4 semaines d’intervalle pour attendre que la peau régénère. En attendant, on place des homogreffes ou des greffes de peaux animales afin de couvrir les surfaces meurtries pour limiter la dégradation de l’état général, mais ces peaux sont inexorablement rejetées en environ 3 semaines et doivent être remplacées par de l’autogreffe.
« Récemment, nous avons reçu un jeune brûlé à 95 %. Il serait décédé, mais nous avons appris qu’il avait un jumeau homozygote désirant lui donner sa peau. Nous lui en avons prélevé 45 % pour la placer après expansion sur les 95 % brûlés de son jumeau. Aujourd’hui, celui-ci est vivant, recouvert de la peau de son frère, il marche et vit chez lui de la manière le plus normale possible. Grâce à des prélèvements ultra-minces, le frère donneur a bien cicatrisé. Que retenir ? Nous avons prouvé que si nous disposions d’une peau qui n’est pas rejetée (peau universelle), nous serions capables de sauver le patient. Reste à la mettre au point. Plusieurs pistes sont explorées (cellules souches, cultures de peau non immunogène…). Il faut se battre ! », conclut le Pr Mimoun.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature