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Comptes de la Sécurité sociale : des réformes simples sont pourtant possibles

Publié le 11/12/2014
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Pour les jeunes start-up ou acteurs de la santé qui veulent faire évoluer notre système de santé, la marche à gravir est un pas de géant. Les acteurs et lobbies présents depuis des décennies ont créé un marasme insupportable qui bloque toute initiative dans l’œuf.

Les mérites de la révolution du numérique pour faciliter les conditions de travail des médecins (santé connectée, télémédecine, e-santé…) ne font aucun doute. Pourtant, chaque innovation dans le milieu de la santé ne reçoit pas le même accueil : quelle place laisse-t-on aux jeunes entreprises innovantes qui cherchent à rendre accessible à tous l’accès aux soins tout en réduisant les coûts de la « Sécu » ?

Pour ne citer que l’exemple d’un secteur que nous connaissons bien, parlons de l’apnée du sommeil.

On n’a de cesse de nous répéter qu’il faut faire des économies. Pourtant, la HAS continue, dans un communiqué récent, d’inciter les patients souffrant du SAOS (syndrome d’apnées obstructives du sommeil) à avoir recours en priorité aux PPC (appareils à pression positive continue). Or ce traitement a un coût de 500 millions d’euros pour la Sécurité sociale et son recours n’est pas forcément le plus adapté.

Comme le reconnaît la HAS, « L’OAM (orthèse d’avancée mandibulaire) est recommandée en première intention lorsque l’IAH est compris entre15 et 30 en l’absence de maladie cardiovasculaire grave associée. Dans ce cas, l’OAM est en effet plus efficiente que le dispositif de PPC ».

Dans ces circonstances, on a du mal à comprendre pourquoi seules 5 000 orthèses sont posées chaque année alors que 500 000 patients sont appareillés en VPPC (ventilation par pression positive continue) ; les coûts engendrés pour l’assurance-maladie par ces dispositifs sont importants. En moyenne, le coût d’un traitement par VPPC s’élève à 1 000 euros par an pris en charge à 60 % par la caisse d’assurance-maladie, alors que le coût d’un traitement par OAM (dispositif + acte de pose et de réglage) coûte 700 euros sur deux années (durée de vie du dispositif médical). Oniris estime que si seulement 30 % des patients appareillés par VPPC l’étaient par orthèse, 150 millions d’euros par an pourraient économiser pour notre système de santé.

Au-delà du coût pour la Sécu, le coût pour les patients pourrait aussi être réduit si une véritable politique de prise en charge des honoraires des dentistes et un soutien aux solutions OAM vendues en pharmacie étaient opérée.

Ailleurs dans le monde ?

Pour mieux comprendre le non-sens de cet entêtement à refuser de nouveaux traitements ; il peut être pertinent de regarder ailleurs quelles sont les préconisations existantes.

Aux États-Unis, temple du libéralisme, une décision pragmatique a été prise. Puisque les OAM et les VPPC sont unanimement reconnus comme efficaces dans la lutte contre l’apnée du sommeil, les pneumologues (ou tout autre prescripteur) proposent les deux solutions à leur patient en fonction de l’intensité de leur pathologie. Conscient des avantages thérapeutiques de l’OAM (produit mieux supporté et qui peut être porté toutes la nuit contrairement à la VPPC), le Medicare incite au port des orthèses à partir de 15 apnées/h ou à partir de 5 apnées/h en association avec hypertension, somnolence diurne, problème cardiovasculaire. Elles sont également conseillées aux patients au-dessus de 30 apnées/h lorsqu’ils refusent les VPPC. Ainsi, bien que 2 à 3 fois plus chères que les orthèses en France, les OAM sont prises en charges par le Medicare.

Parmi la population australienne adulte ≥ 20 ans), la prévalence de l’AOS (IAH ≥ 15) a été estimée à 4,7 % (de 4 à 6 %), soit 775 000 personnes en 2010. Les coûts de santé directement attribuables à la prise en charge des troubles du sommeil ont été estimés à 274 millions de dollars pour 2010. La prise en charge des conditions associées (AVC, insuffisance cardiaque congestive, maladies coronariennes, dépression, accidents de la route et du travail) a été estimée à 544 millions de dollars [DAE, 2011]. L’orthèse d’avancement mandibulaire pour le traitement de l’AOS n’est pas couverte.

* Cofondateurs de la société Oniris qui a mis au point, fabrique et commercialise l’orthèse d’avancée mandibulaire éponyme.

Par Mathieu et Thibaut Vincent*

Source : Le Quotidien du Médecin: 9373