Congrès de l'ASH : nouvelles approches dans la thérapie génique de la drépanocytose

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Publié le 04/12/2018
drepanocytose

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Crédit photo : PHANIE

Après les annonces des premiers patients traités avec succès en 2017, la thérapie cellulaire de la drépanocytose se diversifie. Trois approches viennent d'être présentées au congrès de la Société américaine d'hématologie (ASH) de San Diego. La plus récente consiste à pousser les cellules souches hématopoïétiques à exprimer de l'hémoglobine fœtale (HbF).

En temps normal, la production d'HbF est progressivement réprimée à la naissance, pour laisser la place à la production d'hémoglobine A (HbA). Chez les patients drépanocytaires, une mutation du gène codant la chaîne β de l'hémoglobine A, transforme cette dernière en hémoglobine S (HbS) responsable de la déformation des globules rouges. D'où l'idée de modifier les cellules souches hématopoïétiques pour qu'elles recommencent à produire une hémoglobine fœtale fonctionnelle. Pour ce faire, les chercheurs ont introduit un gène codant un ARNi qui bloque l'expression du gène BCL11A, un maillon essentiel du « switch » de production de l'HbF vers l'HbA.

Sur 7 patients recrutés dans un premier essai, un seul a été réinjecté avec ses propres cellules souches modifiées, productrices d'HbF. Plus de trois mois (76 jours) après la réinjection, sa concentration d'hémoglobine est supérieure à 10 g/dL avec 51,8 % d'HbS, 23,3 % d'HbF, 29,7 % d'HbA et une réduction de l'hémolyse. L'hémoglobine A retrouvée lors de l'analyse est une conséquence résiduelle des transfusions sanguines avant la greffe. « Si l'on parvient à augmenter le ratio entre HbF et HbS, on pourrait supprimer totalement le phénotype de la drépanocytose », espère le Dr Esrick, qui annonce l'ouverture de son essai à des patients de moins de 18 ans.

3 ans et demi sans transfusion

Plus ancienne, la thérapie génique LentiGlobin de la drépanocytose consiste en l'introduction d'un gène codant pour une sous-unité β fonctionnelle de l'hémoglobine A. « Plus cette hémoglobine thérapeutique s'exprime, plus la polymérisation est bloquée, jusqu'à être complètement annulée », explique le Dr Nicolas Hebert, de l'institut Mondor (Université Paris-Est, Créteil), venu présenter les données des 3 patients français (sur la dizaine traitée dans le monde).

De bons résultats ont été obtenus chez 2 d'entre eux. Le 1er patient, suivi depuis 42 mois, et la 3e patiente, suivie depuis 15 mois. Dans ces 2 cas, aucune transfusion sanguine ni traitement par hydroxyurée n'a été nécessaire, alors qu'il leur en fallait une par mois avant le traitement. « Les marqueurs de l'hémolyse, le LDH, la bilirubine et l'haptoglobine, ont tous significativement baissé chez ces 2 patients », note le Dr Hebert

La chaîne gamma

La dernière approche, présentée par des chercheurs de l'hôpital pédiatrique de Cincinnati, consiste enfin à introduire un gène codant une sous-unité γ de l'hémoglobine A, elle aussi modifiée pour acquérir une activité antidrépanocytose. Deux patients ont été traités à ce jour. Au bout de 6 mois, leur taux d'expression d'hémoglobine modifiée était de plus de 20 %, plus que le seuil d'efficacité fixé par les auteurs. Ce taux s'est maintenu à 1 an chez le 1er patient, le seul des 2 ayant bénéficié d'un suivi aussi long.

D'un point de vue clinique, l'état de santé des deux patients a connu une amélioration notable, caractérisée par une diminution des douleurs dorsales chroniques, une baisse de la prise d'antalgiques et une absence d'épisodes tels que des syndromes thoraciques aigus.

De notre envoyé spécial à San Diego, Damien Coulomb

Source : lequotidiendumedecin.fr