En agissant sur la production médullaire

Contre l’AVC et l’infarctus, abaisser les plaquettes ?

Publié le 23/07/2010
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Crédit photo : AFP

DE NOTRE CORRESPONDANTE

LA PLUPART des infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux sont causés par des thrombus obstruant les vaisseaux artériels.

Pour réduire le risque de thrombose, les antiagrégants plaquettaires sont efficaces mais ils perturbent néanmoins l’hémostase et majorent ainsi le risque de saignement excessif, un effet secondaire indésirable.

Des observations cliniques ont suggéré la possibilité d’une autre stratégie antithrombotique : réduire le nombre des plaquettes circulantes. En effet, on a pu observer que les taux de plaquettes dans les limites inférieures de l’intervalle physiologique normal (150 000 à 450 000/microlitre) sont associés à une nette baisse des accidents cardio-vasculaires, et cela même chez les patients qui reçoivent un traitement antiplaquettaire conventionnel.

Tucker et coll. ont donc cherché à savoir, chez des primates non humains (9 babouins), si la baisse du taux des plaquettes dans les limites de la normale, obtenue en inhibant leur formation dans la moelle osseuse, peut prévenir la formation des thrombus aigus.

Ils ont abaissé le taux des plaquettes en injectant un antisérum inhibant directement la thrombopoïétine (TPO), l’hormone favorisant la croissance des mégacaryocytes.

Résultat : un abaissement modéré des plaquettes dans les limites de la normale, suite au traitement inhibant leur production dans la moelle osseuse, réduit nettement la formation des caillots (thrombose) et prévient l’obstruction du flux sanguin (thrombose occlusive) dans des modèles de vaisseaux sanguins lésés chez les babouins (des greffons vasculaires synthétiques recouverts de collagène, de 4 mm de diamètre puis dans un deuxième temps sténosés à 75 %).

Temps de saignement normal.

Cela est obtenu sans perturber par le traitement la fonction hémostatique des plaquettes, comme l’indique un temps de saignement normal. De fait, l’hémostase primaire n’est perturbée que lorsque le taux des plaquettes tombe en dessous de l’intervalle physiologique normal.

« Réduire le nombre des plaquettes sans affecter leur adhésivité pourrait donc constituer une stratégie très efficace, et néanmoins plus sûre que les traitements conventionnels pour prévenir les maladies causées par la coagulation sanguine », explique au « Quotidien » le Pr Stephen Hanson (Oregon Health & Science University, Portland) qui a dirigé ce travail.

« La combinaison d’une stratégie abaissant le nombre des plaquettes avec des agents antiplaquettaires conventionnels pourrait être particulièrement attrayante pour améliorer le bénéfice du traitement actuel sans accroître son risque », ajoute-t-il.

« C’est, à notre connaissance, la première étude prospective chez les primates qui évalue, pour prévenir la formation du caillot plaquettaire, le bénéfice d’une stratégie abaissant le nombre des plaquettes circulantes, sans affecter la fonction des plaquettes circulantes », souligne-t-il.

« Inversement, nos résultats suggèrent que des taux élevés de plaquettes dans les limites physiologiques normales pourraient être un facteur de risque d’accidents thrombotiques. »

Bientôt un essai de phase 2.

« La compagnie BioVascular, Inc (San Diego) a récemment développé un médicament expérimental abaissant le taux des plaquettes, appelé BVI-007 ; cette petite molécule (un antagoniste de la thrombopoïétine) inhibe la prolifération et la maturation des mégacaryocytes, les cellules de la moelle osseuse produisant les plaquettes. L’approche d’une petite molécule est évidemment plus attrayante cliniquement pour le traitement au long cours que l’utilisation d’un anticorps anti-thrombopoïétine.

BVI-007 a déjà été évalué avec succès dans des essais de phase 1. Des essais de phase 2 sont maintenant prévus pour évaluer l’efficacité du BVI-007 dans la prévention des accidents thrombotiques liés aux plaquettes », confie le Dr Hanson. « Mais avant de commencer ces essais, la compagnie BioVascular recherche des partenaires au sein de l’industrie pharmaceutique. »

Ces essais porteront sur des patients qui ont :

1) une thrombocytémie essentielle (un syndrome myéloprolifératif caractérisé par une production excessive de plaquettes par les mégacaryocytes de la MO) ;

2) ou des maladies cardio-vasculaires thrombotiques, comme une maladie vasculaire périphérique ou un trouble occlusif d’un greffon vasculaire.

Science Translational Medicine, 23 juin 2010, Tucker et coll.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8797