Métiers intermédiaires, transferts de compétence

Coopération interpro : deux sénateurs à l’offensive

Publié le 10/02/2014
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Crédit photo : SÉBASTIEN TOUBON

À l’heure où se profilent des négociations sur la rémunération des équipes libérales de proximité, deux sénateurs médecins exposent des propositions fortes en matière de coopération interpro et de répartition des compétences, dans un rapport d’information au nom de la commission des affaires sociales.

Catherine Génisson (PS) et Alain Milon (UMP) dressent un bilan « décevant » de l’article 51 de la loi Bachelot (2009) sur les expérimentations de protocoles de coopération. Ce texte n’a permis de développer qu’une quarantaine de protocoles, jugés rigides, trop cloisonnés, peu novateurs ou complexes à valider. A contrario le dispositif ASALEE cher à MG France (Action santé libérale en équipe, une expérimentation de coopération interprofessionnelle généralistes/infirmières) sort du lot, le gouvernement ayant jugé les résultats « performants » en matière de suivi du diabète.

Secteurs propices

Dressant le constat de la diminution du temps médical grignoté par les tâches administratives (et par des fonctions qui ne nécessitent pas un niveau de formation aussi élevé), le rapport juge urgent que les médecins se « réorientent vers les actes sur lesquels leur compétence apporte une véritable plus-value », soit le 100 % pathologique. Sur ces bases, des actes « simples » pourraient être confiés aux paramédicaux dans les « secteurs propices » de la médecine du travail, de l’ophtalmologie et de l’imagerie médicale, lit-on. Avec l’explosion des maladies chroniques, les tâches de suivi, de surveillance, de conseil et de prévention seraient en haut de la liste. Les choses bougent déjà comme en témoigne le million d’actes de revaccination grippale effectué en 2013 par les infirmiers. Solliciter un autre professionnel que le médecin permet parfois « d’adapter la réponse médicale à chaque situation et, éventuellement, d’éviter la surmédicalisation du traitement des malades », précise le rapport.

Sans procéder à d’énormes transferts médecins/paramédicaux, l’idée serait plutôt de consolider les « métiers socles » (existants), au besoin avec des ajustements concertés sur le périmètre de compétences, permettant aussi de sécuriser les pratiques constatées sur le terrain.

Pratiques avancées

Les élus encouragent surtout la création de professions intermédiaires. En clair, il s’agit d’insérer dans la chaîne des soins de nouveaux métiers correspondant à une élévation du niveau de compétences des professions actuelles (paramédicaux, auxiliaires) vers des pratiques avancées (professions d’expertise), de niveau master. Les infirmiers cliniciens, qui existent aux États-Unis, constituent à cet égard une piste à explorer. Payées autrement (nouveaux modes de rémunération), des « missions » de santé (suivi, surveillance, conseil et adaptation éventuelle de prescriptions...) offriraient un cadre « plus souple ou plus responsabilisant » à ces professions d’expertise.

Le grand coup de plumeau du rapport suggère aussi la clarification du statut des radiophysiciens (ni médicaux, ni paramédicaux), la réorganisation de la filière visuelle et de son « millefeuille de professions » (ophtalmos, orthoptistes, opticiens, optométristes) ou encore la revalorisation du statut des sages-femmes.

Rien ne sera simple. Dénonçant une « dévalorisation en cascade » des professions, le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, estime que ces propositions n’ont d’autre finalité que « le transfert du pouvoir médical et la recherche d’économies ». Les internes de l’ISNI ont regretté de ne pas avoir été associés aux travaux et pointent déjà le risque de « déqualification » d’un praticien perdant la compétence d’un acte qu’il aurait délégué...

Anne Bayle-Iniguez
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Source : Le Quotidien du Médecin: 9300