- « A LL[239], le Dr Pierre Castellani ?» - « Je n'ai pas d'avis. Rien à vous dire. » Comme ses confrères Alain Muracciole et Paul Venturini, eux aussi de Haute-Corse, il ne veut « pas en discuter, désolé, merci ». Rien à voir avec deux remplaçantes en Corse du Sud, venues du continent, dont l'une va s'installer définitivement, qui ne sont « pas au courant » et que « ça concerne très peu ». « Ont-ils peur de se mouiller ? », se demande le Dr Xavier Poli, qui, lui, a son idée sur le projet de réforme du statut de l'île de Beauté . « Il y a des élections dans pas longtemps, peut-être est-ce la raison de leur silence. Dans tous les cas, les organisations médicales, comme l'Ordre, n'ont donné aucune consigne quant à une éventuelle appréciation professionnelle à porter sur la future législation. » Bon, laissons là ce qui ne relève pas de l'omerta.
Sans état d'âme
« Il faut bien que la situation évolue à un moment donné », répond pour sa part le Dr Xavière Santelli, installée à Biguglia depuis huit ans. La mise en garde du chef de l'Etat contre les risques d'inconstitutionnalité du projet ? « C'est conforme à ses idées habituelles », relève-t-elle. Le Dr Jean-Charles Boschi, 58 ans, de Porto-Vecchio, dont « tout le monde connaît (les) opinions » sur le sujet, est « tout à fait pour, sereinement ». « Je suis en faveur, sans état d'âme, insiste-t-il, d'un processusqui est une bonne chose pour la Corse. Je me range du côté de la majorité de l'assemblée territoriale, qui avait approuvé, en décembre 1999, les orientations retenues dans le projet Jospin. »
« Vous voulez mon point de vue ? s'exclame Marie-Dominique Battesti. « Eh bien, cette réforme ne constitue qu'une banalité, nécessaire, pour la Corse qui n'est qu'un simple département. Il n'y a pas lieu d'en parler comme d'une affaire d'Etat médiatisée à l'excès. On enseigne bien l'alsacien en Alsace et le breton en Bretagne sans tapage télévisuel. Voyez-vous, on en a fait un enjeu de politique politicienne au détriment de la Corse elle-même, déplore la praticienne ajaccienne . Pendant ce temps-là, on relègue au second plan d'autres problèmes comme le réchauffement de la Terre ; et l'opinion, de plus en plus privée d'esprit critique par le bombardement médiatique d'informations montées en épingle, se laisse égarer. »
Le Dr Xavier Poli, de Casanova, se montre également quelque peu dubitatif, pour d'autres motifs cependant. « La méthode est bonne. Il ne peut y avoir que celle-là qui nous permette de nous en sortir, à savoir le dialogue avec les élus dans la transparence. Maintenant, explique-t-il, c'est notre capacité collective à pouvoir appliquer lesmesures contenues dans le texte de réforme qui m'interpelle. Qu'en sera-t-il, sur le terrain, du transfert de compétences dans des domaines précis ? »
« Tout ce qui peut améliorer la qualité de vie, c'est très bien », déclare le Dr Frédéric Grossi, conseiller général divers droite de Bastelica, qui n'en dira pas plus. Si ce n'est son « attachement à la survie du département et au type de scrutin qui s'y rattache », tout en précisant que, « en même temps, on ne peut renoncer à une certaine évolution politique ».
Un sentiment national ?
« Mais que veulent faire les gens de Paris ? interroge le Dr Jean-Baptiste Calendini. En tant que citoyen français, j'observe que, depuis quelques mois, la paix est relativement présente. Il y a moins de heurts violents. Est-ce de bon augure ? En revanche, je suis très inquiet quand je vois ce qui se passe à Paris, dans les milieux intellectuels. "Ils" pourront imaginer tous les statuts du monde, cela ne résoudra pas le gros problème affectif qui existe dans cette bonne République. Est-ce que les insulaires et les Français loin de la capitale peuvent être amoureux de leur pays, c'est-à-dire éprouver un sentiment national ? Comment en serait-il ainsi, pour un jeune Bastiais de 18 ans qui voit à la télé que le prix d'un billet d'avion Paris-Bastia coûte plus cher qu'une place Paris-Tunis-Paris ! Oui, dans la capitale, on feint d'oublier que la France est née avant 1789. L'équipe nationale de football peut provoquer des enthousiasmes que je partage, mais la France c'est tout autre chose. Prenez, Radio Corse Nostalgie, qui diffuse Hallyday, Richard Antony ou Julien Clerc, mais reste muette sur les chansons de Tino Rossi qui témoignent de la saga des Corses d'Afrique. Oui, il existe beaucoup de laisser-aller du point de vue de l'entretien du sentiment national. Vous m'accorderez que les actions des énarques n'apportent aucune réponse au problème affectif qui est le nôtre. Alors, que penser du projet de loi Jospin ? C'est du pipi de chat, et "ils" le savent. Leur but est de gagner du temps, "ils" jouent contre la montre ». Le généraliste de Bastia sait de quoi il parle, il a été conseiller régional dans les années quatre-vingt. « J'estime, ajoute-t-il, que le discours de la République est équivalent à celui du Dahomey, et encore, c'est vexant pour ce pays. En effet, il n'existe, à ce jour, aucun discours politique. Ouvrez votre télé et vous constaterez un grand vide en la matière, occupé par de vieux chevaux de retour qui n'ont rien à faire passer. »
« Moi, avoue un retraité , je suis un Jacobin, voilà c'est tout. L'enseignement obligatoire du Corse ? Mais, l'idiome n'est pas le même au sud qu'au nord... Et quoi qu'il en soit, la solution, au lieu d'être imposée, devrait résulter d'un référendum. Surtout, ne mentionnez pas mon nom, j'ai déjà eu des problèmes et je ne voudrais pas que ça recommence. »
Le Dr Jean-Dominique Armani, né il y a 50 ans à Ajaccio, attend le débat au Parlement pour prendre position. A priori, il voit « mal l'assemblée territoriale corse avoir autant de pouvoir que la Chambre des députés ». Aussi se range-t-il du côté de Jacques Chirac qui « entend préserver l'autorité de l'Etat sur tout le territoire national, où chacun est égal devant la loi votée par le seul Parlement ».
Les points clés du projet de loi
- L' assemblée de Corse peut adapter des mesures réglementaires prises pour l'application des lois dans les domaines de compétences qui lui sont attribués lorsque les spécificités de l'île le justifient. Elle est habilitée à modifier des dispositions législatives. Toutefois, il revient au Parlement de viser les éventuelles modifications.
- La Collectivité territoriale (CT) organise ses propres actions de formation supérieure et de recherche.
- La Corse devient compétente en matière de transports routiers non urbains. La gestion des aérodromes, des ports et du réseau lui est transférée.
- La CT élabore un « Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse ». Elle devient responsable de la politique de l'eau.
- La langue corse « est enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires à tous les élèves, sauf volonté contraire des parents ».
- Des crédits d'impôts ou l'exonération de certaines taxes sont attribués aux PME investissant sur l'île.
- Les investissements publics sont assurés par l'Etat à hauteur de 70 %.
- Fiscalité sur les successions : période transitoire de quinze ans avant le retour au droit commun.
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