«R EVOLTES » depuis qu'ils ont pris connaissance d'un avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) évaluant les risques présentés par la créatine, les professionnels de la supplémentation nutritionnelle et botanique ont dénoncé l'aspect « tronqué, biaisé et partisan » de ce rapport, en présence de trois scientifiques.
A la demande de la direction générale de la Consommation, de la Concurrence et de la Répression des fraudes (DGCCRF), l'AFSSA a en effet émis un avis sur la consommation de créatine, un supplément nutritionnel censé augmenter la masse musculaire et l'énergie, et très apprécié des sportifs de haut niveau. L'AFSSA a estimé que l'excès de créatine présente un « risque carcinogène potentiel », mais que des « études scientifiques rigoureuses sont nécessaires pour invalider ou conforter les soupçons de dangerosité » (« le Quotidien » du 26 janvier).
Ni autorisée ni interdite
« L'avis de l'AFSSA fait de nous des criminels et des voyous », déplore Patrick Mazzei, directeur général de INKO SA, une entreprise spécialisée dans la supplémentation nutritionnelle et qui vend des produits contenant de la créatine. Patrick Mazzei s'exprime au nom de l'Union des professionnels de la supplémentation nutritionnelle et botanique (UPSNB), qui regroupe une quinzaine de marques, impliquées à elles seules dans 80 % des litiges. Les professionnels de la supplémentation nutritionnelle et botanique commercialisent en effet des produits contenant des substances dont la loi française n'autorise pas la vente. Ainsi, la commercialisation de la créatine n'est pas autorisée en France. « Mais elle n'est pas interdite », ajoute l'UPSNB. Les entreprises jouent donc sur ce « flou juridique » pour vendre leurs produits, en dépit de démêlés fréquents avec les pouvoirs publics et de convocations devant les tribunaux. Patrick Mazzei a d'ailleurs porté plainte devant la Cour de justice européenne en 1998 pour « entrave systématique à la libre circulation » et espère obtenir satisfaction à la faveur d'un jugement qu'il pense voir intervenir « durant le deuxième semestre de cette année ».
En attendant, il tente d'établir un dialogue entre l'UPSNB et les pouvoirs publics. Dans ce contexte, l'avis de l'AFSSA jette, selon lui, « un discrédit sur le sérieux » des professionnels.
Les trois scientifiques présents aux côtés de l'UPSNB mettent en cause les conclusions du rapport de l'AFSSA, jugées « pas correctes » par un chercheur belge, le Pr Peter Hespel, qui soupçonne le rapport de « servir quelques buts politiques ». « Nous avons l'impression d'avoir affaire à un rapport à thèse, note, pour sa part, le Pr Marc Francaux, professeur à l'Institut d'éducation physique et de réadaptation de l'université catholique de Louvain. Les quelques petits éléments qui permettent d'étayer cette thèse sont mis en exergue ». Saluant le travail de l'auteur du rapport - le Dr Gilbert Peres -, qu'il « connaît bien », Jacques R. Poortmans, professeur à l'université libre de Bruxelles, se déclare « étonné de l'extension des conclusions ». « Une extension un peu abusive, précise-t-il. L'auteur a repris des études faisant état d'une modification de la créatinine dans certaines conditions particulières (créatine chauffée). Ce qui me gêne, c'est que nous n'avons jamais pu démontrer le risque carcinogène chez le sujet sain qui ne chauffe pas sa créatine. » De son côté, l'AFSSA a fait savoir qu'elle ne tenait pas, pour le moment, à commenter cette polémique.
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