Début février, la société AAZ signalait la disponibilité prochaine, en pharmacie, d’un premier autotest censé évaluer la fertilité masculine. Trois mois plus tôt, le 1er décembre 2014, la Journée mondiale de lutte contre le Sida était l’occasion d’annoncer l’arrivée en France, en juillet 2015, des premiers autotests de dépistage de l’infection à VIH.
Disons-le d’emblée : ces deux autotests n’ont rien à voir, quant à leur intérêt diagnostique. D’un côté, les experts s’accordent à juger très limitée l’utilité de l’autotest de fertilité masculine, mais non son intérêt commercial. De l’autre, des instances aussi notoires que le Comité Consultatif National d’éthique (CCNE) et le Conseil National du Sida (CNS) ont rendu des avis favorables, en février et mars 2013, à la mise sur le marché des autotests de dépistage du virus du sida. Deux avis assortis cependant d’une série de recommandations sur les dispositifs d’accompagnement à mettre en place.
Aussi disparates soient-elles, ces annonces suscitent des interrogations. Dans quel cadre l’utilisation de ces autotests est-elle pertinente ? Quels problèmes techniques et éthiques soulèvent-ils ? Quel est le circuit de leur commercialisation ?
« Certains autotests sont bien établis, comme les tests de grossesse ou d’automesure de la glycémie. Ils viennent toujours en complément ou en amont d'une consultation médicale », rappelle le Dr Anne Cambon-Thomsen, médecin, présidente du Comité de déontologie et d'éthique de l'INCa et responsable de la plateforme « Génétique et société » du Génopole Toulouse Midi-Pyrénées. « Les autotests apportent une certaine autonomie recherchée. Ils pourraient complémenter les dispositifs de dépistage mis en place, notamment pour le VIH, qui sont peu utilisés par certaines populations. Mais ils restent des tests d'orientation qui, en cas de positivité, demandent à être complétés et vérifiés lors d’une consultation médicale. En cas de vraie préoccupation médicale, il paraît plus rationnel que le patient s’oriente directement vers une consultation », estime cette directrice de recherche émérite au CNRS (Inserm-université Paul Sabatier) de Toulouse.
Des tests qui peuvent inquiéter injustement
Le principal problème tient aux faux positifs ou aux faux négatifs. « Les autotests peuvent donc engendrer une inquiétude injustifiée ou rassurer faussement ». Au plan éthique, ils posent aussi le problème du manque d'accompagnement des personnes qui y ont recours, face à des résultats parfois complexes à interpréter. « Le CCNE appelle à la prudence. Il s’agit de peser les avantages possibles en terme d'autonomie, vis-à-vis d'un encadrement et d'un accompagnement par ailleurs bien organisés », souligne le Dr Cambon-Thomsen.
Aussi, si la société AAZ se félicite qu’« ayant obtenu le marquage CE, l’autotest SpermCheck est le premier autotest immunologique de dépistage d’une concentration basse en spermatozoïdes », comment un test de portée si limitée peut-il avoir obtenu une autorisation de commercialisation ? En effet, les experts pointent le fait que ce test n’évalue que la quantité de spermatozoïdes, et non leur morphologie, leur vitesse de déplacement... « Il ne remplace pas du tout une exploration approfondie », résume Anne Cambon-Thomsen.
Des « dispositifs médicaux »
Contrairement au médicament, les autotests sont des « dispositifs médicaux » qui ne sont pas soumis à une procédure d’autorisation. « Leur mise sur le marché est régie par la directive européenne 93/42/CE, d’application obligatoire depuis juin 1998, qui impose aux fabricants de dispositifs médicaux l’apposition d’un marquage CE sur leur produit préalablement à leur commercialisation », explique l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Pour autant, « la directive européenne de 1998 sur les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (98/79) est en cours de révision. La nouvelle mouture permettra de mieux assurer la qualité des tests génétiques », indique Anne Cambon-Thomsen.
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