Décès du Pr Christian Cabrol, pionnier de la greffe cardiaque

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Publié le 16/06/2017
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Crédit photo : S. Toubon

Le Pr Christian Cabrol, pionnier de la greffe cardiaque, s'est éteint ce vendredi 16 juin au matin à Paris à l'âge de 91 ans des suites d'une longue maladie.

C'est à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) que « l'homme aux 400 greffes » a rendu son dernier souffle, là où il a exercé toute sa vie et là où il a réalisé la première greffe cardiaque en Europe en avril 1968, quelques mois après celle historique du Pr Christiaan Barnard, au Cap (Afrique du Sud).

Une carrière hors du commun

Cette première lui a valu la notoriété auprès du grand public. Le Pr Cabrol, scientifique dans l'âme et célèbre pour ses nombreuses publications dès ses débuts, aura eu une carrière hors du commun au cours de laquelle, il a enchaîné les défis.

Aventurier, courageux et libre, le chirurgien est tout autant décrit par son entourage comme un émotif, « un homme de cœur ». « Il était extrêmement humain et proche de ses patients », a déclaré le Pr Iradj Gandjbakhch, l'un de ses anciens assistants. Un trait de caractère que confirme l'actrice Mireille Darc, ancienne patiente du Pr Cabrol. « C'est lui qui m'a opérée la première fois en 1980. C'était un homme sublime, merveilleux », a-t-elle déclaré faisant part de sa « grande tristesse » à l'annonce du décès.

Né le 16 septembre 1925 à la campagne, en Picardie, à Chézy-sur-Marne, le chirurgien surdoué et bûcheur est profondément animé par l'ambition d'aller plus loin et de repousser les limites. D'un naturel ouvert, enthousiaste et curieux, – « Fantastique ! » s'étonnait-il encore à plus de 90 ans – il s'intéresse aux travaux d'autres équipes avant-gardistes à l'étranger, le Sud-Africain Christiaan Barnard, qu'il rencontre à Minneapolis en 1956 dans le service de Walton Lillehoi, père de la chirurgie cardiaque, et de l'Américain Norman Shumway, avec qui il nouera une collaboration scientifique et une grande histoire d'amitié.

Aller outre les réticences du milieur médical

Il n'hésite pas à aller outre les réticences du milieu médical. Lors d'une de ses dernières interviews, accordée au « Quotidien » en juin 2016, le Pr Cabrol lançait un message aux générations actuelles et futures : « N'ayez pas peur d'oser ! Il faut faire parce que c'est utile et que quelque chose de positif peut en ressortir. Il faut s'appuyer dessus et le dire. En contrepartie d'une action, il y aura toujours ceci, ceci ou cela. Mais la seule façon d'être sûr que ça ne marche pas, c'est de ne pas faire. Osez ! »

Le premier patient greffé, âgé de 66 ans, ne survit que pendant 53 heures. On reproche aux premières greffes de ne pas augmenter sensiblement la vie des patients. Mais l'arrivée dix ans plus tard des cyclosporines donne raison au Pr Cabrol. En 1982, il réalise avec son équipe la première greffe cœur et poumons. Puis en avril 1986, c'est avec ses successeurs, les Prs Iradj Gandjbakhch et Alain Pavie, qu'il supervise la première greffe de cœur artificiel total en Europe, un Jarvik 7.

La greffe avant l'Agence de la biomédecine

En 1989, le Pr Cabrol devient le grand défenseur de la greffe, à la tête de l'Association France Transplant, qui organise notamment les prélèvements d'organes, une mission aujourd'hui confiée à l'Agence de la biomédecine. La même année, il fonde l'Association pour le développement et l'innovation en cardiologie (Adicare) qui contribue à la création de l'Institut de cardiologie de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

Parallèlement à ses activités médicales, il se lance en politique au sein du RPR puis de l'UMP : conseiller de Paris (1989, puis réélu en 1995 et en 2001), député européen de (1994 à 1999), adjoint au maire de Paris, Jean Tibéri (de 1995 à 2001).

Il a écrit de nombreux livres liés à son expérience professionnelle, parmi lesquels « Mes quatre cents greffes cardiaques », « Parole de médecin », « Le don de soi », « De tout cœur » ou encore « Au cœur de la vie ». Remarié en 1998, après une première union avec Annick Cabrol, anesthésiste-réanimateur qui a participé à la première greffe cardiaque, il partageait sa vie avec la comédienne Bérangère Dautun.  


Source : lequotidiendumedecin.fr