"LE problème du déficit en médecins du travail ronge le système » et « l'évolution de la démographie médicale est tout à fait inquiétante », vient d'assurer Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, devant le conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, qu'elle présidait. « Dans ce domaine, a-t-elle ajouté, l'Etat prendra ses responsabilités. »
Le plan d'ensemble à moyen terme proposé par la ministre consiste à régionaliser l'internat « dit européen » qui est une voie spécifique destinée à recruter des médecins du travail, ce qui devrait faciliter le recrutement d'un certain nombre de ces spécialistes. « Dans les plus brefs délais, un système de reconversion de médecins généralistes volontaires, après formation et examen de contrôle des connaissances, doit être instauré. Cette solution est, par nature, temporaire et ne tend à répondre qu'à une situation d'urgence. Il ne s'agit donc pas d'une deuxième voie » définitive venant contourner l'internat, a expliqué, par ailleurs, Elisabeth Guigou qui souhaite qu'à terme le système trouve son équilibre durable dans le cadre de la réforme générale des études médicales.
Pour l'avenir, elle juge nécessaire une réflexion sur l'évolution des missions du médecin du travail afin de le décharger d'une partie de ses tâches actuelles au profit d'autres spécialistes de la santé au travail.
Parallèlement, la ministre propose de mettre en place une opération de régularisation au profit des médecins « non diplômés », que de nombreux services de médecine du travail ont été conduits à recruter pour assurer leur fonctionnement. « Cette opération, limitée dans le temps, ne sera acceptable qu'à la condition qu'elle corresponde à des besoins validés par les médecins inspecteurs régionaux, que les médecins concernés consacrent la totalité de leur activité à la médecine du travail et qu'une formation de qualité leur soit dispensée », a-t-elle ajouté.
Ces propositions ont été présentées par le directeur adjoint du cabinet de la ministre à la délégation représentant les quelque trois cents médecins du travail qui manifestaient le même jour à l'appel du Syndicat national professionnel des médecins du travail (SNPMT) et du collectif des médecins du travail (UGICT-CGT).
« Il est complètement illusoire de compter sur la reconversion des médecins prescripteurs à l'heure où le manque de médecins pose le problème de la politique de soins en France », avait déjà fait savoir le SNPMT après avoir pris connaissance des orientations du ministère. Le Syndicat s'est cependant déclaré rassuré après avoir reçu certaines promesses de la part du gouvernement. « Mais nous restons mobilisés », a indiqué Jean-Claude Guiraud, responsable national du SNPMT.
Le nombre des maladies professionnelles a triplé en huit ans
Les atteintes à la santé dues au travail ne cessent de s'aggraver, notamment le nombre d'accidents mortels passés de 668 en 1998 à 761 en 1999. selon les chiffres de la CNAM rendus publics par la CGT. Les maladies professionnelles reconnues ont quadruplé en dix ans et triplé en huit ans. En 1999, 22 110 ont été comptabilisées, dont 84 mortelles, contre 17 625 dont 95 mortelles en 1998. La progression enregistrée en 1999 est due essentiellement aux « lésions par efforts répétés », engendrées par certains gestes et postures de travail, qui représentent près des deux tiers des maladies professionnelles (14 314 cas). Si l'on y ajoute les maladies de dos (1 927 cas), qui progressent également, l'usure des articulations est responsable de 76,1 % des maladies professionnelles. Les accidents du travail avec arrêt sont eux aussi en augmentation (4,3 points) en 1999 avec 720 244 cas recensés, contre 690 553 en 1998. Les premiers résultats 2000 feraient déjà apparaître une nouvelle hausse de 2,2 points. Les accidents de travail mortels suivent la même courbe ascendante avec 761 décès en 1999, contre 668 l'année précédente. Enfin, les accidents de trajet avec arrêt de travail ont progressé de 7,1 points, passant de 84 006 dont 629 mortels en 1998, à 89 980, dont 654 mortels, selon une estimation encore provisoire.
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