Hypertension artérielle résistante

Dénervation rénale par voie endovasculaire

Publié le 29/03/2018
HTA

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Crédit photo : Phanie

La prévalence de l’HTAR est de 5 à 25% dans les centres spécialisés et de l’ordre de 10% dans les enquêtes de population. Son pronostic est défavorable. En effet, la présence d’une HTAR est associée à une atteinte des organes cibles et à un risque accru d’évènements cardiovasculaires (CV). Après s’être assuré de la réalité du niveau tensionnel par mesure ambulatoire de la PA ou par automesure tensionnelle, de l’observance du traitement, de l’absence de prise de médicaments ou toxiques vaso-actifs, et de l’absence d’HTA secondaire, les recommandations préconisent la prise en charge par un centre spécialisé et une escalade thérapeutique adaptée à la réponse tensionnelle et à la tolérance clinico-biologique. Cette approche ne garantit pas le succès tensionnel et expose les patients à des effets secondaires et à une inobservance au traitement.

C’est dans ce contexte qu’ont été proposés des traitements invasifs non médicamenteux comme la dénervation rénale (DR) par voie endovasculaire ou la stimulation des barorécepteurs (SBR) carotidiens pour les cas d’HTAR les plus sévères. La DR par voie endovasculaire consiste en la destruction thermique par un courant de radiofréquence (RF) de faible intensité, des ultrasons focalisés, une cryoablation ou en une destruction chimique par injection d’éthanol ou de substances neurotoxiques des fibres nerveuses sympathiques afférentes et efférentes cheminant dans l’adventice des artères rénales. Le premier système de DR évalué chez l’homme a été le Symplicity Catheter System qui permettait de réaliser une série de 4 à 6 ablations dans les deux artères rénales principales à l’aide d’une électrode située à l’extrémité d’un cathéter spécifique introduit par voie fémorale et couplée à un générateur de RF.

DENERHTN et SPYRAL : des résultats prometteurs

Après l'enthousiasme initial sans précédent pour la DR pour le traitement de l’HTAR, les résultats négatifs de l'essai SYMPLICITY HTN-3 avec le cathéter Symplicity ont jeté de grands doutes sur l'efficacité de cette technique. En revanche, l'essai multicentrique français DENERHTN, qui a comparé la DR associée à un traitement antihypertenseur standardisé au même traitement antihypertenseur standardisé seul chez des patients ayant une HTAR, a montré une différence de 5-6 mm Hg en termes de pression artérielle systolique ambulatoire (PAS) en faveur de la DR à 6 mois. L'hétérogénéité substantielle des résultats des essais précédemment publiés, comparée à une faible incidence des événements indésirables majeurs, a conduit à continuer l’évaluation de la dénervation rénale comme une alternative thérapeutique avec divers cathéters, à la fois chez les patients avec HTAR et chez ceux avec des formes moins sévères, y compris chez des patients ne recevant aucun antihypertenseur. Ainsi, l’essai SPYRAL HTN-OFF MED a comparé la DR avec le cathéter de radiofréquence multiélectrode Spyral avec une intervention fictive (« SHAM ») chez des patients ayant une HTA légère à modérée et ne recevant aucun traitement antihypertenseur par voie. À la troisième analyse intermédiaire portant sur 80 patients (38 dans le groupe DR et 42 dans le groupe témoin), une différence significative de pression artérielle ambulatoire des 24h entre les 2 groupes et en faveur de la DR a été observée 3 mois après randomisation (PAS : -5,0 mm Hg [IC 95% -9,9 à -0,2; p = 0,014] ; PAD : -4, 4 mm Hg [-7, 2 à -1, 6; p = 0, 0024]). Cependant, l’ampleur de la différence de PAS moyenne de 24 h (5 à 6 mmHg) entre les groupes suggérait que la plupart des patients du groupe DR nécessiteraient toujours un traitement antihypertenseur oral, en tenant compte de la valeur de la PAS base (153 mm Hg). Aucun événement indésirable majeur n’a été observé dans les deux groupes. La prudence reste encore nécessaire pour interpréter et appliquer ces résultats préliminaires en dehors du cadre de cet essai qui a inclus un faible nombre de patients.

Un essai avec cathéter à émission d’ultrasons focalisés

Les essais se poursuivent actuellement en Europe et aux États-Unis avec un nouveau cathéter à émission d’ultrasons focalisés. Cet essai randomisé contrôlé comparant la DR à une intervention « sham » est coordonné par l’équipe du Centre d’Excellence en HTA de l’hôpital européen Georges Pompidou (HEGP). Il inclut non seulement des patients ayant une HTAR mais aussi des patients ayant une HTA moins sévère de grade I-II et non traitée par un médicament antihypertenseur ou dont le traitement a été interrompu. Le recrutement est terminé dans le bras HTA légère mais se poursuit dans le bras HTAR qui nécessite l’appui de la communauté néphrologique pour aider au recrutement.

Dans l'attente des résultats des essais en cours, la DR doit rester la dernière option offerte aux patients ayant une HTAR selon les recommandations françaises, après que tous les efforts de normalisation de la PA avec les médicaments antihypertenseurs ont échoué. La décision de la DR doit être prise par une équipe pluridisciplinaire, au mieux dans les Centres d'Excellence en HTA, en différenciant bien le médecin qui établit l’indication et celui qui effectue le geste. Un suivi prolongé des patients, comportant une mesure de PA et de la fonction rénale ainsi qu’une imagerie non-invasive à intervalles réguliers, est essentiel.

Ainsi, il est ainsi aujourd'hui primordial de poursuivre les recherches pour trouver des marqueurs de réponse tensionnelle afin de définir la meilleure population cible et évaluer de nouveaux cathéters permettant une DR plus reproductible et moins variable. Enfin, le devenir tensionnel à long terme demeure aussi mal connu car une ré-innervation sympathique est possible comme après transplantation rénale. Des données à plus long terme chez un plus grand nombre de patients restent nécessaires. 

Hôpital européen Georges Pompidou (HEGP), Paris

Pr Michel Azizi

Source : Bilan Spécialiste