Les effets tératogènes du valproate de sodium sont connus depuis le début des années 1980, notamment les anomalies de fermeture du tube neural (spina bifida). Dans le courant des années 1980 et 1990, les publications scientifiques documentent de plus en plus précisément les malformations congénitales attribuables aux antiépileptiques en général et au valproate de sodium en particulier. Plus tardivement, à compter des années 2000, les observations de retards de développement et de troubles liés à l’autisme sont faites.
Arsenal thérapeutique faible
Ces risques progressivement connus posent la question de l’utilisation du valproate de sodium chez les femmes en âge de procréer. Mais dans le cas de l’épilepsie, un arrêt ou un changement de traitement brutal pourrait avoir « des conséquences graves, voire mortelles pour la mère et le fœtus. L’éviction systématique du valproate de sodium ne peut donc être envisagée dans le cadre de stratégies thérapeutiques qui doivent s’appuyer sur l’existence de traitements alternatifs et sur une analyse des bénéfices et des risques associés aux traitements, parmi lesquels les risques tératogènes. »
Méconnaissance coupable
Les mesures de minimisation du risque semblaient méconnues, au regard de résultats de l'enquête téléphonique menée par l’ANSM auprès de 202 pharmaciens en 2015. Celle-ci indique que 94 % des patientes n'avaient toujours pas signé d'accord de soins. Si 77% des pharmaciens interrogés connaissaient les nouvelles conditions de prescriptions et de délivrance, 62% des patientes étaient toujours peu ou pas informées. En outre 55 % des patientes n'avaient pas d'ordonnance d’un spécialiste et les trois quarts d’entre elles ne savaient pas qu'elles devaient en consulter un. Cela interroge sur la connaissance effective par les prescripteurs des recommandations des autorités sanitaires. De la même manière, la mission relève qu’il n’est toujours pas fait mention des risques psychomoteurs et de troubles autistiques dans l’édition 2012 du cours de référence du collège des enseignants de neurologie. Il en est de même pour le référentiel national du collège des enseignants de psychiatrie dans sa version 2014. Enfin, si les logiciels de prescription utilisés par les professionnels de santé contiennent des alertes relatives aux risques tératogènes, celles-ci, fréquemment désactivées par les médecins, s’avèrent inopérantes pour constituer une alerte effective.
Sous-information
Étant donné la gravité de ces risques pour l’enfant à naître, il convient que la patiente soit mieux informée. Le constat de la mission est celui d’un manque de réactivité des autorités sanitaires et du principal titulaire de l’autorisation de mise sur le marché sanofi. Les alertes ont été, au plan français et européen, motivées davantage par les médias que par une prise en compte des données de pharmacovigilance et des publications scientifiques. L’absence de formalisation d’une doctrine en matière de pharmacovigilance, un cadre juridique européen peu contraignant et une certaine lenteur administrative, sont en cause. Il est par ailleurs noté que le médicament est prescrit parfois hors de l’indication retenue par l’autorisation de mise sur le marché.
De façon plus générale, cette situation interroge plus globalement, une fois encore, sur l’organisation du système de pharmacovigilance en France et conduit à renforcer activement les procédures en matière de pharmacovigilance.
Plusieurs centaines de victimes
D’après les études du Registre dédié aux malformations congénitales du Rhône-Alpes (REMERA), après extrapolation pour la France entière, environ 450 enfants nés entre 2006 et 2014 seraient concernés par des malformations congénitales. Une mesure plus précise de l’impact des prescriptions de valproate sur la descendance des femmes exposées devrait être disponible en mai 2016, lors de la restitution de l’enquête ANSM – CNAMTS, à partir de l’exploitation des bases SNIIRAM-PMSI.
Signaux faibles
La mission pointe l’absence de doctrine sur la prise en compte des différents types de signaux de pharmacovigilance. Il existe en effet une période d’incertitude, souvent longue de plusieurs années, entre la formulation d’une hypothèse vraisemblable, la certitude clinique et la preuve scientifique d’un effet indésirable. Celle-ci ne trouve pas de traduction dans les documents d’information officiels, ce que l’application du principe de précaution requerrait.
Pharmacovigilance
Concernant l'organisation de la pharmacovigilance au plan national, la mission propose que la DGS développe une véritable stratégie en matière de pharmaco-épidémiologie incluant les registres des malformations congénitales et les bases de données disponibles (EFEMERIS, SNIIRAM-PMSI). La constitution d’une cohorte associant parents et enfants issus de grossesse exposés aux médicaments pourrait en être un des éléments structurants. Le financement des outils nécessaires à cette stratégie pourrait être assuré par une part de la remise conventionnelle négociée par le CEPS avec les industriels du médicament. Beaucoup reste à faire.
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