Insuffisance rénale chronique

Des calcifications coronaires dés un stade précoce.

Publié le 19/05/2010
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PAR LE Dr ALAIN GUERIN *

PLUSIEURS ÉTUDES ont mis en évidence une prévalence et une incidence de calcifications coronaires (CAC) de 60 à 80 % chez les patients hémodialysés. La présence de calcifications de l’arbre vasculaire et des artères coronaires se rencontre chez le sujet jeune insuffisant rénal comme l’a montré Goodmann contrairement à ce que l’on constate dans la population sans IR. Par ailleurs, ces CAC sont retrouvées tôt au cours de l’évolution de l’insuffisance rénale chronique dès que la clearance est inférieure à 60 ml/min. La présence de ces calcifications est observée à la fois au niveau des plaques d’athérome, mais également de façon diffuse au niveau de la média de ces artères. Il semble que les calcifications de la média apparaissent plus tard au cours de l’évolution de l’IR. Actuellement, la mesure de l’importance quantitative des CAC grâce au scanner ou à l’ « electron beam computed tomography » ne permet pas de distinguer les calcifications de la média de celles de l’intima. L’augmentation des calcifications au cours du temps est d’autant plus importante que celles-ci étaient présentes à l’entrée dans les études de suivi et de nombreuses études ont montré qu’il existe un parallélisme entre la fréquence des lésions calcifiées au niveau coronaire et l’importance de celles-ci au niveau vasculaire, aortique en particulier. Si dans la population générale les CAC sont un marqueur de la sévérité et de l’étendue de lésions d’athérosclérose, elles sont peu spécifiques du risque d’occlusion des coronaires et donc d’IdM. Les calcifications auraient plutôt tendance à favoriser la stabilité de la plaque d’athérome mais cela reste cependant un sujet de controverse. Cependant de larges études ont mis en évidence une amélioration du score de risque de décès ou d’événements cardiovasculaires lorsqu’on ajoute aux facteurs traditionnels de Framingham la présence de CAC, dans une population asymptomatique. Block a montré dans l’étude RIND que les CAC mesurées chez 127 hémodialysés (HD) à l’entrée de l’étude sont un facteur significatif de mortalité après ajustement aux autres facteurs de risque. De la même façon, Matsuoka chez 104 HD et plus récemment Shantouf chez 166 HD traités depuis au moins 2 ans sont parvenus à la même conclusion. Contrairement à ce l’on a longtemps pensé la calcification des vaisseaux est un mécanisme actif avec, comme dans beaucoup de phénomènes biologiques un déséquilibre entre des facteurs pro calcifiants et des facteurs inhibiteurs de la calcification. Dans les plaques athéromateuses, on retrouve de très nombreux facteurs du métabolisme osseux, comme l’ostéopontine, l’ostéoprotégerine, l’ostéocalcine, la matrix--carboxy gentamic acid protéine. Il est cependant nécessaire de souligner le rôle essentiel des cellules musculaires lisses vasculaires présentes à la fois dans la média et l’intima des vaisseaux calcifiés qui ont le pouvoir de se transformer, sous l’influence d’un facteur de transcription spécifique Cbfa1/Runx2 induit par le phosphore, modulé par la présence du calcium et du sérum urémique de produit de la glycation chez les diabétiques, en une cellule ostéoblastique-like. Cette dernière secrète entre autres des phosphatases alcalines osseuses et élabore des vésicules matricielles qui sont essentielles pour l’apparition des calcifications vasculaires. Ces phénomènes sont souvent amplifiés par la présence de facteurs plus traditionnels comme des lipides oxydés, des cytokines inflammatoires ou la présence de monocytes et de macrophages. L’importance prise par le problème des calcifications coronaires (CAC) peut se mesurer à la quantité d’études actuellement planifiées : plus de soixante concernant les calcifications dont une vingtaine d’études interventionnelles avec des traitements extrêmement variés (statine, sevelamer, cinacalcet hydrochloride, sodium thiosulfate…). La première d’entre elle l’étude Treat to Goal, a montré que l’on pouvait peut-être ralentir la progression des calcifications en utilisant plutôt du sevelamer qu’un chélateur calcique. Cependant, le rôle des traitements calciques reste un objet de débat. Pour le moment, la régression des calcifications coronaires n’a pas été démontrée de façon convaincante in vivo. La nature active du processus pourrait permettre néanmoins d’envisager une inversion du processus, hypothèse renforcée par la découverte récente de cellules ostéoclastique-like dans la paroi vasculaire calcifiée. En conclusion, si notre connaissance progresse quant au mécanisme des calcifications coronaires et vasculaires nous sommes encore loin d’un schéma explicatif global qui prendrait en compte l’ensemble des facteurs influençant ce processus et l’hétérogénéité du système vasculaire.

*A.U.R.A. Fleury-Mérogis

Le Quotidien du Mdecin

Source : Bilan spécialistes