L ES chercheurs de l'unité d'oncologie britannique (Mary Dixon-Woods et coll., Leicester) l'affirment clairement : « Les parents peuvent se révéler, pour les professionnels de santé, dans l'identification de troubles signifiants, de meilleurs indicateurs que les listes de signes et symptômes. » Même s'ils sont convaincus à tort que quelque chose ne va pas, leur contribution reste de grande valeur. Encore faut-il savoir les écouter.
C'est après avoir fait parler des parents d'enfants (de 4 à 18 ans) traités pour cancers (tumeurs solides, cérébrales ou leucémies) dans les quatre mois suivant la fin du traitement, que les cancérologues britanniques conviennent de valoriser le discours parental. Une vingtaine de parents ont été écoutés attentivement.
Certes, les alertes ne sont pas toujours spécifiques. Telle celle de la mère d'une fillette de 10 ans, traitée pour leucémie : « D'habitude, lorsque nous allons au bord de la mer, elle adore. Mais cette fois, contrairement à l'habitude, elle n'a pas couru sur la plage et elle ne s'est intéressée à rien de ce que nous y faisions. » Cette attitude inhabituelle a donné à la mère le sentiment que « quelque chose n'allait pas ».
L'intimité des adolescents
L'alerte peut être moins perceptible à l'âge de l'adolescence et une mère se souvient de « s'être sentie très mal, car, ne voyant plus sa grande fille de 18 ans dans l'intimité de la salle de bains, elle n'a pas remarqué l'aspect anormal de son pied. »
D'autres parents veulent éviter de surprotéger leur progéniture en consultant exagérément les médecins et ils ont tendance à attendre : « Bon, je pensais que mon fils de 15 ans (NDLR : traité pour une leucémie) avait un mal de ventre banal. Mais il ne s'en débarrassait pas et j'ai compris qu'il y avait un problème assez rapidement. »
Les signes et symptômes sont souvent inhabituels : des crises, des évanouissements, une perte de la coordination ou de l'équilibre, du sang dans les urines. Et les parents doivent parfois persuader le praticien, surtout lorsque ces manifestations sont une suite de symptômes banals (infectieux par exemple).
Lorsque les parents sont convaincus qu'il est nécessaire de poursuivre les investigations, deux cas de figure se présentent. Dix familles rapportent avoir dû insister et entrer en conflit avec le généraliste. « Je savais qu'il ne s'agissait pas d'un mal de gorge banal. Ma fille (NDLR : 10 ans, traitée pour une leucémie) ne mangeait pas et ne faisait que dormir. J'ai insisté pour que des examens sanguins soient pratiqués. »
Des tergiversations plus longues avec le praticien ont été vécues par 7 familles, qui ont multiplié les consultations avant le passage de relais au spécialiste. « De fait, j'étais dégoûtée, car les médecins m'ont littéralement éconduite », déplore la mère d'un enfant de cinq ans ayant souffert d'une tumeur solide. Les délais avant la consultation chez le spécialiste sont allongés d'autant.
»
Littéralement éconduite
A l'inverse, les praticiens qui se dépêchent de mener à bien les investigations deviennent des héros aux yeux des parents. « Le Dr D. était absolument merveilleux. Il nous a dit ne pas pouvoir trouver un centre de radiologie dans les délais, mais qu'il allait réaliser un autre examen », se souvient la mère d'un enfant de 6 ans, soigné pour une tumeur solide.
Tous expriment leur soulagement quand le diagnostic a été posé, mais, parfois, leur abattement. Cela montre qu'il existe des carences chez les professionnels de santé. Mais cela montre aussi qu'elles peuvent être comblées par une attention plus grande aux propos de l'entourage du malade.
Les conseils d'un généraliste, le Dr John Halliday, qui a perdu un enfant après un cancer, méritent d'être soulignés :
- Soyez toujours préparé à une consultation avec un enfant.
- Si vous ne trouvez pas d'anomalies, dites-le aux parents, mais préparez-vous à réexaminer l'enfant si les symptômes persistent.
- Prenez toujours au sérieux la mère qui vous dit qu'elle ne sait pas ce qui ne va pas, mais qu'elle sait que son enfant n'est pas bien.
- Evitez d'affirmer catégoriquement que tout va bien.
- Et sachez passer la main à un autre généraliste ou à un spécialiste si, après quelques consultations, vous n'avez rien trouvé. Un il neuf peut découvrir ce que vous n'avez pas vu.
« Nous suggérons que ces conseils soient intégrés dans les recommandations données à tous les cliniciens soignant des enfants », concluent M. Dixon-Woods et coll.
« Lancet », vol. 357, 3 mars 2001, pp. 670-674.
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