L' EQUIPE dirigée par Chaitan Khosla (université de Stanford, Californie) décrit ce tour de force dans la revue « Science ». « Je pense que c'est une découverte capitale », observe un chimiste extérieur à l'équipe, Heinz Floss (université de Washington, Seattle), dans un article associé.
Pour transformer E. coli en usine de polykétides, Khosla, Pfeifer et coll. ont dû surmonter plusieurs obstacles : ajouter la machinerie pour deux nouvelles voies métaboliques et paralyser une autre voie dans la bactérie.
Les polykétides, des composés naturels complexes, sont synthétisés à partir de simples composants ou blocs de construction (comme l'acétyl-CoA, le propionyl-CoA, le malonyl-CoA, le méthylmalonyl-CoA), grâce à des polykétides synthétases.
Les chercheurs ont pris pour objectif la production d'érythromycine, prototype des polykétides. Le noyau macrocyclique de l'érythromycine - le polykétide - est synthétisé par une bactérie du sol, Saccharopolyspora erythraea.
L'enzyme qui synthétise le polykétide
Le premier problème était d'équiper E. coli de l'enzyme qui synthétise le polykétide. Dans S. erythraea, la polykétide synthétase consiste en trois larges protéines. Par conséquent, les chercheurs ont dû introduire 3 gènes de S. erythraea dans la bactérie et peaufiner les conditions de croissance pour qu'elle produise l'enzyme.
Défi suivant, il fallait que l'enzyme soit fonctionnelle dans E. coli. Elle nécessite pour cela un cofacteur, mais, dans la bactérie, la fixation de l'enzyme et du cofacteur ne se fait pas. Les chercheurs ont dû ajouter un gène d'une bactérie du sol, Bacillus subtilus, qui produit une autre enzyme qui attache le cofacteur. Enfin, deux modifications ont été nécessaires pour fournir à E. coli les composants nécessaires ou blocs de construction. Pour fournir le propionyl-CoA, l'équipe a inactivé certains gènes d' E. coli afin de paralyser une voie métabolique qui dégrade ce composé. Pour fournir le méthylmalonyl-CoA, les chercheurs ont introduit un gène d'une autre bactérie du sol.
Ces différentes astuces ont fonctionné. E. coli est capable de synthétiser le noyau de l'érythromycine, avec une productivité comparable à celle d'une souche mutante de S. erythraea, améliorée pendant plusieurs décennies afin de produire industriellement l'érythromycine.
Un autre type de médicament
Aussi, en remplaçant un composant de la polykétide synthétase de S. erythraea par un composant d'une enzyme qui fabrique un autre type de médicament, l'équipe a généré une enzyme hybride qui fabrique un nouveau polykétide non trouvé dans la nature. Ils démontrent ainsi la possibilité d'une approche dirigée pour fabriquer de nouveaux polykétides. Ainsi, E. coli pourrait être transformé en usine pour fabriquer non seulement des polykétides naturels mais aussi des polykétides de « designer ». Kosan Biosciences (Hayward, Californie), la compagnie cofondée par Khosla, détient le brevet de la méthode et a l'option de commercialiser la découverte. « Nous allons examiner maintenant si E. coli peut être utilisé à grande échelle », déclare le vice-président de Kosan, Richard Hutchinson.
« Science », 2 mars 2001, pp. 1790 et 1683.
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