A U « cabanon Montmorency » de l'hôpital de Moulins-Yzeure, les détenus en réanimation « sont entravés, quel que soit leur état », dénonce la section française de l'Observatoire international des prisons (OIP)*.
« Ceux qui se retrouvent dans les "chambres sécuritaires" sont enchaînés au lit, la longueur de la chaîne étant calculée pour leur permettre d'aller aux toilettes » située dans la même pièce.
« La taille de la chaîne ne donne même pas la possibilité d'accéder au lavabo », précise le Dr Isabelle Bernhaupt-Harou, responsable de l'unité de consultation et de soins en ambulatoire (UCSA) à la maison d'arrêt. « Tenez, ajoute la praticienne, au moment où vous m'appelez, j'ai en face de moi un détenu, qui, lui, me dit avoir eu des chaînes aux mains et aux pieds alors qu'il venait de faire un infarctus. En réalité, explique-t-elle, cela dépend de la police. Mais la plupart du temps, les prisonniers revivent à l'hôpital le régime de la garde à vue. Oh ! pardon, c'est pire, corrige mon patient. Oui, pour ma part, je considère que ce n'est pas du tout normal. »
Cela n'est pas différent en réanimation : « La police justifie les entraves en faisant remarquer que les salles ne sont pas encore sécuritaires, elles devraient l'être à la fin 2002. »
Selon l'article 803 du code de procédure pénale, insiste l'OIP, « nul ne peut être soumis au port des menottes et des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite ». Or, commente la médecin de l'UCSA, « c'est pratiquement généralisé ».« Des détenus envoyés dans un hôpital pour y recevoir un traitement ne doivent pas être attachés à leur lit ou à d'autres éléments du mobilier afin d'assurer la sécurité. D'autres mesures de sécurité peuvent et doivent être prises », écrivait le Comité européen pour la prévention de la torture dans un rapport remis aux autorités françaises en mai 1998.
« Il existe des situations, tout aussi choquantes dont on parle encore moins, poursuit le Dr Isabelle Bernhaupt-Harou . Je pense, notamment, aux pressions morales exercées sur les condamnés et les prévenus. On va annoncer un transfèrement de prisonnier en vue de le rapprocher de sa famille, en fin de peine, et rien ne se produit. Comment, dès lors, imaginer une quelconque réinsertion ? La femme d'un de mes patients a demandé le divorce. Les détenus sont très souvent poussés à bout par un harcèlement quasi quotidien. J'ai le souvenir d'un homme qu'on entourait d'une escorte phénoménale, jusqu'à la psychose, pour l'accompagner à l'hôpital. Sans oublier des pressions plus subtiles qui pèsent et détruisent à la longue. »
* Tél. 01.47.70.47.01.
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