Municipales 2001
De notre envoyée spéciale à Dole
L A bataille des municipales sera rude pour le Dr Dominique Voynet à Dole (Jura), ville natale de Pasteur, où se sont succédé trois maires médecins depuis un quart de siècle. La campagne n'y a vraiment commencé qu'au début de février, mais les précédents sondages n'étaient pas favorables à la ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement.
En novembre, un sondage IFOP-« les Dépêches/le Progrès » indiquait que le Dr Gilbert Barbier, maire UDF sortant qui brigue à 60 ans un quatrième mandat, pouvait espérer une victoire dès le premier tour. Selon un autre sondage IFOP sur un échantillon représentatif de 600 Dolois, paru à la mi-janvier dans « le Journal du Dimanche », la liste de la gauche unie conduite par Dominique Voynet serait battue de dix points au second tour par la liste de droite UDF-RPR-DL (45 % contre 55 %, avec 7 % d'indécis).
Même l'entourage de la cofondatrice des Verts semble avoir révisé à la baisse ses ambitions. En effet, selon Didier Château, conseiller municipal et représentant local de Dominique Voynet, la campagne « courte et concentrée » de la ministre vise surtout à « rendre crédible la gauche à Dole pour une élection municipale », alors qu'elle s'y est toujours présentée en ordre dispersé depuis 1983.
Pourtant, dans cette bataille, le Dr Voynet joue aussi sa crédibilité pour son éventuelle candidature, contre celle de Noël Mamère, aux prochaines élections présidentielles. Elle hésite encore, semble-t-il, à s'engager pour 2002. En revanche, elle a déjà annoncé que, si elle était élue maire de Dole, elle quitterait le ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement après la présentation de son projet de loi sur l'eau. Son maroquin, qu'elle a failli refuser en 1997, paraît handicaper sa campagne, même si elle peut compter sur la venue à Dole de « poids lourds » du PS pour la soutenir, comme Martine Aubry en décembre et Lionel Jospin le 23 février prochain. « Sur France 2, on a dit de moi que j'étais parachutée. C'est faux, j'ai ma famille, je vis ici ! », s'insurge la ministre.
Malgré son tempérament de bagarreuse, on sent poindre l'amertume chez le Dr Voynet. Lors de l'inauguration d'un centre culturel de travailleurs turcs, dans le quartier des Mesnils-Pasteur à Dole, elle reste stoïque face aux applaudissements qui saluent l'arrivée puis le discours cuménique de son rival. A la fin, regagnant sa voiture, elle tend l'oreille : « Vous avez entendu ? Les jeunes crient "Voynet, on veut que vous soyez maire !". » Peu après, lorsqu'ils lui lancent un encourageant « On vous aime ! », elle conclut à voix basse « Pourvu que ce soit contagieux... », avant de claquer la portière de son véhicule.
Ensemble à l'hôpital
Le Dr Barbier est en fait une vieille connaissance du Dr Voynet. Il était déjà chirurgien à l'hôpital public de Dole lorsqu'elle y a exercé, de 1985 à 1989, en tant qu'anesthésiste-réanimatrice à la maternité. « Nous nous sommes seulement croisés pendant des gardes de nuit », précise toutefois la ministre. Elue conseillère municipale des Verts à Dole depuis 1989, elle voit maintenant plus souvent le Dr Barbier à l'hôtel de ville. Dominique Voynet a réussi à lui ravir son siège de député en 1997, en promettant aux Jurassiens l'abandon du projet du canal Rhin-Rhône à grand gabarit. C'était la troisième fois (après 1981 et 1988) que le Dr Barbier perdait des élections législatives à la suite d'une dissolution de l'Assemblée. « Les résultats des élections nationales montrent bien que Dole est une ville à gauche », reconnaît-il sans détour.
Dominique Voynet a, certes, remporté les dernières élections cantonales de 1998, mais elle a été élue conseillère régionale avec seulement 27 voix d'avance sur le candidat de droite.
Selon Gilbert Barbier, c'est sa personnalité qui lui a permis de conserver la mairie de Dole pendant dix-huit ans. Et pourtant, il est d'un naturel plutôt froid et taciturne. Même en pleine campagne électorale, il ne va pas serrer des mains sur le marché, car il « n'est pas un acheteur régulier de légumes », contrairement à celle qu'il appelle « mon adversaire », sans jamais la nommer, qui a l'habitude de converser au bar du Central après avoir fait ses courses du week-end. Mais le maire sortant se targue d'avoir une « image moins politisée » que Dominique Voynet, d'autant qu'elle appartient à « une formation politique un peu cloisonnée ».
Trop de sectarisme ?
Il y a toutefois un point sur lequel il se montre lui aussi intransigeant : « Vous pouvez écrire ce que vous voulez sur moi du moment que vous ne mettez pas d'accent circonflexe à Dole. » Une faute d'orthographe fréquente qu'il qualifie d' « horreur » dans son livre intitulé « Flâneries à travers la ville de Dole et son passé ».
Pour le reste, le Dr Barbier pratique le consensus mou et soigne son image de rassembleur. En présentant sa liste à la presse locale, le 9 février, il a assuré que la moitié de ses membres « n'ont pas d'appartenance politique connue ». « Trop de sectarisme n'est pas dans l'esprit des Dolois ni des Francs-Comtois. Pourquoi ne pas travailler ensemble ? », a-t-il déclaré, évoquant le cas du « vieux socialiste » Michel Grandvaux (décédé depuis), qui devint son adjoint à l'environnement après avoir été élu en 1989 conseiller municipal sur la même liste écologiste que... Dominique Voynet. « J'en garde un très bon souvenir, mon adversaire sans doute un peu moins », a-t-il ironisé.
Le départ des jeunes
Ce chirurgien reproche en quelque sorte au Dr Voynet de trancher dans le vif, tandis que l'ex-anesthésiste accuse le Dr Barbier d'avoir endormi sa ville. Sa liste Verts-PS-PC-PRG (Mouvement des citoyens excepté) propose donc de ranimer la cité, d'où son slogan « Préparons le printemps de Dole ».
Dans les années quatre-vingt-dix, la ville a perdu 1 800 habitants (- 6,6 %), retombant ainsi « au niveau de 1962 », indique la candidate de la gauche unie. « Le taux de chômage [7,9 % en 2000, en dessous de la moyenne nationale, NDLR] ne reflète pas la situation de Dole car la ville, faute de formation universitaire, ne retient pas les jeunes. Ils partent et ne reviennent pas », explique le Dr Voynet.
L'éducation et la formation constituent ses principaux thèmes de campagne avec le développement économique. Elle trouve le secteur industriel dolois (dominé par les entreprises ITT, Jacob Delafon et Bel) « très peu diversifié » et voudrait fortifier le tissu des PME-PMI par une politique d'accompagnement des petits entrepreneurs et artisans.
Si Dominique Voynet a combattu le pont de la Corniche qui enjambe le Doubs et le canal Rhin-Rhône, elle ne remet pas en cause d'autres réalisations du maire sortant, telles que la médiathèque et l'Aquaparc Isis, inauguré en 2000. Elle conteste, en revanche, leur financement. « La stabilité de la pression fiscale est un choix juste mais cette ville a des moyens trop modestes, affirme la ministre. Il n'est pas normal que la municipalité ait financé toute seule la médiathèque. Surtout, j'ai refusé de signer les avenants aux marchés concernant l'aménagement des voieries d'accès du parc aquatique. »
Pas de mise en examen
Les travaux supplémentaires, qui ont majoré d'environ 40 % le coût du marché, ont été effectués par des entreprises qui avaient financé en 1993-1994 le Parti libéral indépendant jurassien cofondé par un certain... Gilbert Barbier. « Après la dissolution de mon parti, j'ai reversé l'intégralité des sommes disponibles, soit 800 000 F, au centre communal d'action sociale, réplique l'intéressé. Tout cela s'est fait dans la plus parfaite légalité, avec parution au "Journal officiel". A cette époque, le financement des partis n'était pas plafonné. »
La Justice s'est saisie de l'affaire en 1995 et le maire fait simplement remarquer qu'en six ans, il n'a fait l'objet d'aucune mise en examen.
Outre son projet d'aménagement de la rive gauche du Doubs, le Dr Barbier axe sa campagne sur la lutte contre l'insécurité, notamment grâce à sa toute nouvelle police municipale qu'il aimerait voir armée (ce que lui refuse le préfet). « En matière de délinquance, Dole n'est pas très bien placée, relève-t-il . Dans le département du Jura, la délinquance a augmenté de 10 % en 2000, contre + 0,5 % dans le Territoire de Belfort [fief de Jean-Pierre Chevènement, NDLR] . Il vaut mieux avoir le ministre de l'Intérieur...», ajoute avec un brin de perfidie le Dr Barbier.
Dole, en bref
Population : 26 015 habitants.
Principales entreprises du bassin dolois : ITT Canon, Fromageries Bel, Ideal Standard, Jacob Delafon.
Taux de chômage : 7,9 % en 2000, inférieur à la moyenne nationale (9,6 %).
Maire sortant : Dr Gilbert Barbier (UDF), tête de liste UDF-RPR-DL.
Autres listes en présence : outre la liste de gauche unie du Dr Dominique Voynet (Verts-PS-PC-PRG), il y aura aux municipales une liste mégrétiste (MNR) et une liste d'extrême gauche.
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