LDL-C et risque cardio-vasculaire
Les recommandations américaines de l'ATP III émanent de l'Evidence-based medicine (médecine fondée sur les niveaux de preuve), c'est-à-dire des données épidémiologiques et des résultats des essais d'intervention dont les plus récents sont : HPS (Heart Protection Study), Prosper (Prospective Study of Pravastaine in Ederly at Risk), Allhat-LLT (Antihypertensive and Lipid Lowering Treatement to Prevent Heart Attack), Ascot-LLA (Anglo-Scandinavian Cardiac Outcomes Trial Lipid Lowering Arm) ou Prove-It (Pravastatine or Atorvastatine Evaluation and Infection Therapy).
Si plusieurs points sont aujourd'hui parfaitement admis - une baisse de 1% du LDL cholestérol (LDL-C) permet une baisse de 1 % du risque coronarien ; une baisse de 30 à 40 % du LDL-C entraîne une réduction de 30 à 40 % de ce risque - d'autres sont discutés. Jusqu'à présent, on estimait qu'il n'était pas nécessaire d'abaisser le LDL-C en dessous de 1 g chez les sujets à haut risque ; ce dogme est aujourd'hui ébranlé par des données récentes. Jusqu'où abaisser le taux de LDL-C ? Faut-il être plus agressif chez les diabétiques ? Faut-il traiter les personnes âgées ?
Pour l'heure, les recommandations de l'ATP III proposent, chez les patients à haut risque ayant un LDL-C > 1,30 g/l, la prescription d'un hypo-LDL-cholestérolémiant, chez ceux avec un LDL compris entre 1 et 1,29 g/l, un régime seul, un fibrate, de l'acide nicotinique ou une statine, et chez ceux avec un LDL<1g/l l'abstention de toute mesure.
L'étude HPS a démontré l'intérêt de traiter les patients ayant un cholestérol considéré comme normal par 40 mg de simvastatine qui, comparativement au placebo, a réduit de 25 % le taux d'événements cardiaques ; cependant, HPS n'a pas mis en evidence de bénéfice supplémentaire dans le groupe de patients dont le LDL-C était inférieur à 1 g/l.
En revanche, Prove-It, dont les résultats viennent d'être annoncés, montre, chez des patients ayant un antécédent de syndrome coronaire aigu, qu'abaisser le LDL-C à 0,62 g/l (avec 80 mg d'atorvastatine) a apporté un bénéfice supplémentaire (de 16%) par rapport à une baisse à 0,95 g/l (avec 40 mg de pravastatine).
De même, l'étude Reversal montre que 80 mg d'atorvastatine (abaissant le LDL-C à 0,79 g/l) permet une régression du volume des plaques d'athérome, alors que 40 mg de pravastatine (abaissant le LDL-C à 1,10 g/l) freine simplement leur progression.
Des essais comme TNT, Ideal ou Search doivent déterminer jusqu'où baisser le LDL-C chez les sujets à haut risque. On attend les résultats à partir de 2005.
Concernant les patients ayant un risque modéré (de 10 à 20 % à dix ans), l'ATP III propose de traiter ceux qui ont un LDL-C>1,60 g/l, de revoir la question du traitement après un régime chez ceux dont le LDL-C est compris entre 1,30 et 1,60g/l et de ne pas traiter ayant avec un LDL-C < 1,30 g/l.
Là encore, des résultats remettent en question cette stratégie. En effet, Ascot montre que 10 mg d'atorvastatine réduit d'un tiers le risque cardio-vasculaire, quel que soit le niveau de LDL-C. Dès lors, l'ATP III indique qu'il est possible de proposer un traitement optionnel chez les patients avec un LDL-C < 1,3 g/l.
Deuxième interrogation, un traitement intensif du LDL-C est-il justifié chez le diabétique ?
Pour répondre à cette question, les résultats obtenus dans les sous-groupes de patients diabétiques des grands essais ont été comparés aux résultats globaux. Ainsi, la réduction du risque cardio-vasculaire est de : 43 % chez les diabétiques, contre 37 % dans la population globale dans l'étude Afcaps, 25 % contre 23 % dans l'étude CARE, 55 % contre 32 % dans l'étude 4S, 19 % contre 25 % dans l'étude Lipid et de 42 % contre 32 % dans l'étude 4S-extended. Ces données sont globalement en faveur d'un bénéfice thérapeutique supérieur chez les diabétiques, mais ne permettent pas de dire jusqu'où baisser le LDL-C dans cette population.
L'étude Post-Cabg montre l'intérêt d'un traitement agressif (par rapport à un traitement conventionnel) après un pontage, chez l'ensemble des patients (- 40 % d'événements) et plus encore chez les diabétiques (- 51 % d'événements).
Ainsi, chez le diabétique, le traitement conventionnel (LDL-C < 1,30g/l, PAS < 130 mmHg, et HbA1c à 6 ou 6,5 %) pourrait progressivement être remplacé par un traitement intensif (LDL-C < 1g/l ou à 0,75 g/l s'il existe une coronaropathie, et PAS< 120 mmHg).
Enfin, y a-t-il un bénéfice à baisser le LDL-C chez les personnes âgées ?
L'étude 4S qui comportait 23 % de patients de plus de 65 ans a permis une analyse de ce sous-groupe. Le traitement par statine a réduit de 34 % la mortalité globale, de 34 % les infarctus (mortels ou non) et de 40 % les pontages ou les angioplasties.
De même, l'analyse des résultats regroupés des essais effectués avec de la pravastatine montre un maintien (voire une augmentation) du bénéfice avec l'âge : réduction des événements coronariens de 22 % chez les moins de 55 ans, de 22 % chez les 55-64 ans et de 26 % chez les 65-75 ans. Par ailleurs, l'étude HPS qui comportait 1 263 patients de 75-80 ans, a montré le bénéfice de la simvastatine dans ce sous-groupe avec une réduction du nombre d'événements majeurs de 26 %.
Pour sa part, l'étude Prosper - en prévention primaire (PI) et secondaire (PII) - a laquelle la moyenne d'âge était de 75 ans, a elle aussi montré le bénéfice à traiter les personnes âgées : il fallait 48 traitements pour éviter un événement majeur. Ces résultats obtenus en prévention primaire et secondaire dans une population âgée sont au moins équivalents, voire meilleur que ceux des études portant sur une population plus jeune : 49 traitements pour Lipid (PII) dont la moyenne d'âge était de 62 ans, 52 pour Care (PII) avec une moyenne d'âge de 59 ans et 59 dans Woscop (PI) avec une moyenne d'âge de 55 ans.
Enfin, la Statin Therapy in the Ederly a suivi pendant trois ans 1 410 patients âgés de 81 ans en moyenne, ayant un antécédent d'IDM et un LDL-C > 1,25 g/l, qui ont été traités par statine (679) ou pas (731). Ses résultats montrent une réduction du taux de nouveaux événements coronariens de : 29 % chez les 60-70 ans (p = 0,038), de 43 % chez les 71-80 ans (p < 0,0001), de 34 % chez les 81-90 ans (p < 0,0001), et de 31 % chez les 91-100 ans (p = 0,0004).
Si le bénéfice des statines sur le risque cardio-vasculaire est bien démontré chez les personnes âgées, leur impact sur la démence ne l'est pas. Des études observationnelles ont suggéré un bénéfice, des essais d'intervention à petite échelle et des essais plus larges comme Prosper ou HPS n'en ont pas montré.
La prescription d'une statine chez le sujet âgé est donc largement justifiée pour réduire le risque cardio-vasculaire, qui est élevé dans cette population, mais ne semble pas avoir d'impact sur la prévention des démences.
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