A Nice

Faut-il prendre Ben au sérieux ?

Publié le 15/02/2001
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ARTS

PAR JEAN-JACQUES LEVEQUE


I

L y a certainement une question essentielle qui reste posée quand on voit la carrière de Ben, qui, depuis les années 1960, s'agite avec le soutien des médias, et des musées, pour faire valoir non une démarche artistique, mais la reprise incessante de slogans, parfois heureux, souvent provocateurs, qui remettent en cause le rôle de l'art et des artistes. De telles attitudes sont saines et permettent à un milieu assez volontiers satisfait de ses performances de se remettre en question, de s'interroger sur la validité de ses concepts.


Ben, c'est un peu le bouffon du roi Art, qui s'agite avec ses grelots et lui fait des pieds de nez. Implanté à Nice, il organise rencontres et expositions, diffuse des publications où il déploie une verve qui ne rate jamais ses cibles mais très vite tourne sur elle-même, exploite ses filons et n'évite pas les redites, le radotage.
Sympathique à ses débuts (tout comme son complice de la première heure, Arman, qui fut essentiel pour « le devenir de l'art » avant de devenir un faiseur de gadgets pour public snob), Ben a vite épuisé ses munitions, et sa saine agressivité tourne à l'aigre, devient une figure de style. De se substituer à l'œuvre (refusant celle-ci) et de faire valoir en priorité « l'émetteur » des idées formulées au détriment d'une création qui résulte d'un talent ainsi concrétisé, conduit souvent ceux qui choisissent cette voie, à commencer par Marcel Duchamp, leur maître à tous, vers des impasses.
Mais notre société frivole, qui aime se faire battre par ceux qu'elle fête, accueille Ben dans l'espace du gadget culturel. D'où ces slogans qui se veulent protestataires, ornant des parapluies, des foulards, des objets de bureau, et deviennent à leur tour des produits de consommation culturelle dans son aspect le plus commercial.
Ben fait aujourd'hui un bilan. Il en a l'âge. Aura-t-il la sagesse de mettre un terme à une agitation qui devient vide de sens d'avoir trop servi, et d'avoir conduit d'une juvénile et sympathique révolte vers le conformisme des magasins de luxe ?

« Ben, je cherche la vérité ». Musée d'art moderne et d'art contemporain de Nice. Jusqu'au 27 mai.

LEVEQUE Jean-Jacques

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6858