On fait souvent un parallèle entre foie gras de volailles et stéatose hépatique humaine. Pourtant, la physiopathologie de ces deux états hépatiques est différente, même si elle reconnaît certains points communs. Le Dr Sophie Hillaire, hépatologue à l’hôpital Beaujon (Clichy), décrypte pour « le Quotidien » cette pathologie chez l'homme et chez l'animal.
Des lésions communes
Les volailles : c’est en 14 jours de gavage par un mélange de farines et d’eau qu’un foie animal sain devient un foie gras. Son poids peut être multiplié par 4 à 10 (soit 10 % de poids de l’animal) et sa composition est totalement modifiée. Les céréales utilisées pour le gavage contiennent une forte concentration d’amidon (60 %) et très peu de lipides (4%). Leur métabolisation aboutit à la production de lipides en grande quantité qui s’accumulent dans le foie. Chez les oiseaux, la synthèse et le stockage des lipides a lieu dans le foie.
L’homme : comme chez tous les mammifères à l’état physiologique, les lipides sont synthétisés et stockés au niveau du tissus adipeux. Chez l’homme, l’accumulation de lipides dans le foie sans signes de fibrose (« foie gras » ou stéatose isolée) peut être due à des déséquilibres alimentaires (alcool ou syndrome métabolique). C’est cet état hépatique qui est le plus proche de celui retrouvé chez les volailles : une grosse gouttelette de lipides se forme dans l’hépatocyte et elle refoule le noyau.
Particularité physiologique ou réponse pathologique
Chez les volailles migratrices (canard ou oie sauvage), l’accumulation de lipides dans le foie permet de répondre aux besoins caloriques pendant la migration ou l’hibernation. Il s’agit donc d’une réaction physiologique, même si les souches animales actuellement utilisées pour le gavage ne sont plus celles d’animaux migrateurs. Les modifications hépatiques sont réversibles si la volaille n’est plus gavée. Le foie retrouve sa taille et sa morphologie normale lorsque l’alimentation habituelle est reprise. Le risque de maladies hépatiques n’est pas majoré à la suite d’un gavage pratiqué sur 12 jours.
Chez l’homme, outre la stéatose non inflammatoire, on décrit trois autres formes de la maladie. La stéatose avec fibrose et inflammation en rapport avec la consommation d’alcool (stéatose hépatite alcoolique ou ASH) et la stéatose sans prise d’alcool qui survient chez des patients atteints d’un syndrome métabolique ou d’un diabète (nonalcoholic steato hepatitis ou NASH).
Enfin, certaines lésions hépatiques de micro-stéatose en rapport avec une dysfonction de la chaîne mitochondriale sont décrites chez les consommateurs d’alcool, pendant la grossesse, chez des patients sous dépakine ou encore en cas de syndrome de Reye. Les lésions de fibroses peuvent évoluer vers l’apparition d’une cirrhose, état qui favorise aussi la survenue de carcinomes hépato-cellulaires.
La composition du foie gras d’oie
« La pratique du gavage a été décrite dès l’Antiquité, et d’ailleurs le nom de foie vient du mot figue (figatus) aliment avec lequel les égyptiens nourrissaient les oies pour obtenir du foie gras » , explique le Dr Sophie Hillaire , hépatologue à l’hôpital Beaujon ( Clichy ). Pendant la période de gavage de 12 jours, le poids du foie des oies passe de 97 à 700 grammes .
La proportion d’eau contenue dans cet organe s’abaisse nettement (de 68,5 % à 32 %), c’est aussi le cas pour les protéines (de 20 % à 8 %). Le taux de lipides passe pour sa part de 4,2 % à 55 %, représenté en quasi-totalité par des triglycérides (92 %). Ces triglycérides accumulés sont riches en acides gras mono-insaturés – avec plus de 50% d'acide oléique – et ils contiennent très peu d'acides gras poly-insaturés (exclusivement des oméga-6 ).
Le secret du foie gras poêlé
Pour que le foie gras soit parfaitement poêlé, une réaction chimique – la réaction de Maillard – doit se produire. C’est elle qui développe les saveurs torréfiées et grillées et qui donne une jolie couleur au foie gras.
A haute température et en milieu peu humide (poêle bien chaude), les protéines et les sucres réagissent entre eux pour former deux types de molécules : des molécules aromatiques nouvelles et des pigments mélanoïdines responsable du brunissement. Il ne s’agit donc pas d’une caramélisation.
Au moment de la réaction de Maillard, les molécules de graisses contenues dans le foie se mélangent aux molécules nouvellement créées par l’interaction entre les sucres et les acides animés.
Le temps de cuisson doit être limité (une minute idéalement par face) afin d’éviter le fonte des graisses contenues à l’intérieur du foie. Entre le cœur du foie et l’extérieur tous les états de cuisson sont observés. Mais le goût le plus prononcé est obtenu lorsqu’une croûte colorée s’est formée en surface et que l’intérieur du foie reste cru.
Haumont R. Un chimiste en cuisine. Ed Dunod 2013
This H. Jeux de foie gras. La chimie évite un petit mal, et, mieux, fait de ce petit mal un grand bien. L’actualité chimique 2012.
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