I LS descendent le perron de l'Élysée bras-dessus, bras-dessous et font assaut d'amabilités.
Lui : « Nous allons très bien, regardez-nous, nous parlerons le plus souvent à deux, si vous le permettez madame la ministre. » Elle : « Absolument, mais tout à fait mon cher ami, on fera les choses ensemble. » Elle encore : « Bernard a beaucoup d'expérience, et en plus c'est un ami proche ; donc moi, en tout cas, je suis très heureuse qu'il arrive. » Et lui : « Je suis revenu avec plaisir. » Elle : « On est heureux de te voir, franchement. » Avant de confier que la répartition des tâches ne posera « aucune espèce de problème ». Elisabeth Guigou et Bernard Kouchner étaient, à la sortie du conseil des ministres, tout sourire. Un peu plus loin, Dominique Gillot, secrétaire d'Etat aux personne âgées et aux handicapés affirmait ne pas être déçue de la réduction de ses attributions. « C'est la vie dans le gouvernement ; le Premier ministre répartit les responsabilités en fonction des compétences qu'il apprécie des uns et des des autres. »
Pas déçue et bonne camarade, Dominique Gillot a bu le champagne avec Bernard Kouchner dés que sa nomination a été rendue publique. Et elle va lui faire un peu de place dans les locaux de l'avenue de Ségur. « J'ai de la place au sixième étage, a-t-elle confié. Donc, je garde mes habitudes. » Ainsi vont les réaménageants ministériels.
Une fois encore, « l'effet Kouchner » fonctionne à fond. On ne trouve pas une voix pour regretter le retour au gouvernement de l'homme politique le plus populaire de France, de celui, qu'au fond de lui, chaque Français aurait aimé être. A gauche, bien sûr, on applaudit des deux mains. Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée, estime que « c'est une très bonne nouvelle » et que Bernard Kouchner est « l'homme qu'il faut là où il faut ». Noël Mamère (Verts) se félicite de ce que « le Premier ministre demande (à Bernard Kouchner) de revenir à la Santé » car « c'est Kouchner qui, le premier, a demandé l'interdiction de toutes la farines animales ». A droite, on joue sur un registre plus subtil, tressant des couronnes de lauriers au nouveau venu pour mieux égratigner Élisabeth Guigou. « Monsieur Kouchner, qui a pris tous les risques en allant au Kosovo, est ministre délégué d'un ministre qui lui-même, d'ailleurs, n'a pas brillé par ses compétences jusqu'à maintenant », estime Claude Goasguen, porte-parole de Démocratie libérale. Avant d'ajouter : « J'aurais préféré qu'il soit ministre et madame Guigou ministre déléguée. » Quant à Jean-Luc Préel, secrétaire national de l'UDF chargé de la santé, pour qui « la politique de santé doit être refondée », il souhaite « bon courage » à Bernard Kouchner. Mais ajoute, perfide : « Méfiez-vous d'Élisabeth Guigou. »
Y a-t-il donc quelqu'un qui ne satisferait pas de l'arrivée de Bernard Kouchner, avenue de Ségur ? Pas dans le monde médical en tout cas. Les réactions de toutes les organisations syndicales de médecins hospitaliers ou de médecins libéraux sont positives. A celles que « le Quotidien » a publiées hier s'en ajoutent d'autres, également favorables. Président de la Confédération des hôpitaux généraux - l'une des quatre grandes organisations praticiens hospitaliers -, le Dr Pierre Faraggi accueille la nomination de Bernard Kouchner avec « un préjugé favorable ». Le plus réticent est, semble-t-il, le Dr Jean Gras, président de la Fédération des médecins de France, qui se contente d'un laconique « wait and see ».
Autant de roses - qui sont toujours bonnes à prendre - peuvent cependant avoir quelques épines. Attendu par tous, Bernard Kouchner s'expose au risque de décevoir. Il va en tout cas devoir traiter dans les jours qui viennent quelques dossiers difficiles. La grogne dans le monde hospitalier - où Elisabeth Guigou pourrait bien lui demander de jouer les pompiers sociaux -, la difficile concertation avec les médecins libéraux qu'elle risque de lui déléguer en partie, la crise de la vache folle, bien sûr, dans laquelle il ne restera pas inerte, sont des sujets à hauts risques. Sa popularité, sa connaissance des dossiers sa pugnacité constituent ses plus grands atouts. Seront-ils toujours suffisants pour que les arbitrages soient pris en sa faveur, surtout s'ils devaient déplaire à la forteresse de Bercy ?
Beaucoup dépendra aussi de la façon dont fonctionnera ce nouveau couple de l'équipe Jospin, qui paraissait si heureux, mercredi, à la sortie du conseil des ministres. Les prochains jours permettront à cet égard de mieux cerner la répartition des tâches, la marge de manuvre laissée à Bernard Kouchner, son degré d'autonomie. En attendant, le ministre délégué à la Santé va devoir former son cabinet. Où l'on devrait retrouver certains de ceux qui furent naguère ses collaborateurs avenue de Ségur.
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