La production d’immunoglobulines E (IgE) par les lymphocytes B induirait une perte de mobilité et favoriserait l’activation de mécanismes menant à l’apoptose de la cellule, selon une étude française, dirigée par le Pr Michel Cogné, directeur de l’unité CNRS Immunologie de Limoges, et dont les résultats ont été publiés dans le journal « Cell Reports ».
Les IgE, à l’origine de vives réactions allergiques, sont 100 000 fois moins nombreuses que les autres immunoglobulines (IgG, IgM, IgA) produites par les lymphocytes et leur rôle au sein de l’immunité est encore mal élucidé. Le travail d’identification de ces nouveaux mécanismes a été un « travail de longue haleine », précise le Pr Cogné.
Des effets sur la morphologie et la mobilité des lymphocytes B
Pour étudier les mécanismes de contrôle de ces immunoglobulines, l’équipe de recherche a « contraint » des lymphocytes B à produire des IgE en grande quantité, in vitro. Ils ont ensuite identifié les lymphocytes B porteurs d’IgE au microscope, et observé qu’ils étaient incapables de se déplacer. « Les cellules B étaient plus rondes, elles n’avaient pas de pseudopodes pour se déplacer, c’était vraiment frappant visuellement », souligne le Pr Cogné.
Cette perte de mobilité serait également à l’origine d’un défaut de réponse aux chimiokines -- des petites cytokines chimiotactiques, qui « attirent » les cellules immunitaires. « Les cellules B ne se déplacent plus vers les zones riches en chimiokines », a expliqué le Pr Cogné.
Autre observation de l’équipe, les lymphocytes producteurs d’IgE ont tendance à internaliser spontanément les récepteurs des IgE (BCR) spontanément, contrairement aux lymphocytes classiques qui déclenchent l’endocytose des BCR après que ceux-ci aient reconnu un antigène.
Un suicide cellulaire programmé
L’équipe de chercheurs a également mis en évidence le mécanisme d’apoptose orchestré par les IgE membranaires. Ces anticorps ralentiraient la voie de signalisation P-ERK, impliquée dans l’activation des gènes de survie, favorisant au contraire l’activation des gènes de l’apoptose, menant ainsi à l’autodestruction de la cellule B.
Une autre hypothèse avancée par les chercheurs concerne Hax-1, une protéine antiapoptotique présente dans la mitochondrie. « Du fait de sa liaison à l’IgE, il y a une modification de la répartition et une diminution de la quantité de la protéine Hax-1 dans la mitochondrie, ce qui a un impact sur la survie », explique le Pr Cogné.
Identifier des cibles thérapeutiques
L’autodestruction de la cellule B provoquerait l’élimination rapide des lymphocytes B porteurs d’IgE. Ce « suicide programmé » limiterait la production d’IgE et peut-être le déclenchement d’allergies. Mais prudence, car « il n’y a pas encore d’études explorant ces phénomènes chez des patients », rappelle le Pr Cogné.
La prochaine étape de l’équipe scientifique sera d’aller plus loin dans la compréhension de cette « autocensure », avec pour but ultime d’identifier des cibles thérapeutiques pour contrer les allergies et/ou inhiber d’autres lymphocytes B pathologiques, notamment ceux qui sont impliqués dans les lymphomes.
*Self-Restrained B Cells Arise following Membrane IgE Expression. Laffleur et al., 2015, Cell Reports
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