L' ABAISSEMENT de la charge virale et la restauration immunitaire sont deux objectifs distincts dans la prise en charge des personnes infectées par le VIH. L'activité résiduelle à laquelle le virus est ramené par les antiviraux s'accompagne souvent d'une remontée spontanée des CD4. Mais, dans une proportion de cas mal précisée mais non négligeable - de 5 à 27 % selon les études -, les patients conservent des taux de CD4 très bas et pratiquement inchangés par la trithérapie, alors même que le virus est contrôlé.
Pour tenter de faire « décoller » ces taux, l'IL2 est essayée depuis plusieurs années. Le risque envisageable a priori - l'activation par la cytokine des cellules infectées - paraissant écarté, les essais se sont même multipliés, avec des résultats dans l'ensemble favorables. Aucun essai n'avait toutefois été réalisé chez des patients présentant des taux stables et bas de CD4, qui sont pourtant a priori ceux qui bénéficieraient le plus d'une immunostimulation. Selon l'étude pilote qui vient d'être menée sur la question à l'Institut Pasteur et à l'hôpital Necker, l'IL2 pourrait être indiquée aussi chez certains de ces patients.
Deux fois par jour pendant cinq jours toute les six semaines
Treize patients, traités depuis neuf mois au moins par HAART, et présentant une charge virale inférieure à 50 copies/ml, ont été recrutés. Chez ces patients, le taux de CD4 restait inférieur à 200/mm3 : entre l'instauration de la trithérapie et le début de l'étude IL2, les taux moyens n'avaient ainsi progressé que de 86 à 123 cellule/mm3.
L'IL2 a été administrée en sous-cutanée, par cycle, à raison de 4,5 millions d'UI deux fois par jour durant cinq jours, toutes les six semaines. Après trois cycles de traitement, les taux de CD4 s'étaient relevés à 229 cellules/mm3 en moyenne (de 176 à 244 cellules). Ce résultat parait spectaculaire, le seuil des 200 CD4, reconnu comme cliniquement significatif, étant franchi.
Trois points sont à souligner. Premièrement, six patients ont été traités avec un décalage de douze semaines par rapport aux sept autres, de manière à constituer un groupe témoin. Chez ces patients, les CD4 sont effectivement restés pratiquement stables dans l'intervalle. Deuxièmement, la sous-population de CD4 dont la proportion s'est massivement accrue par rapport à l'ensemble est une sous-population de cellules naïves. Troisièmement, le traitement a été bien toléré : aucun effet secondaire spécifique, ou particulièrement sévère de l'IL2 n'est apparu chez des patients immunologiquement très déprimés.
Corrélation avec le niveau de Bcl-2
Ces données favorables se doublent d'un autre résultat, qui pourrait avoir son utilité, à la fois pour indiquer l'IL2, et en comprendre les effets : la réponse des CD4 à l'immunostimulation apparait corrélée au niveau d'expression initial de Bcl-2. Bcl-2 est un gène codant une protéine anti-apoptotique, dont l'expression apparaît diminuée au cours de l'infection à VIH, et inversement. Une certaine restauration de l'expression du gène sous trithérapie a également été rapportée. D'où la double hypothèse faisant de la stagnation des CD4 chez certains patients la conséquence d'une susceptibilité persistante à l'apoptose, et de Bcl-2 un acteur par défaut de cette susceptibilité.
L'expression de Bcl-2, donc, a été mesurée chez les patients avant l'immunostimulation par l'IL2. Elle s'est montré variable, mais inférieure à celle de sujets non infectés par le virus. Par ailleurs, après trois cycles de traitement, une corrélation positive a pu être établie entre expression initiale et amplitude de la réponse des CD4 ; corrélation ensuite confirmée chez les sept patients ayant reçu six cycles d'IL2. L'expression initiale de Bcl-2 serait ainsi un facteur prédictif de la réponse au traitement, et cela, alors que ni le taux initial de CD4, ni la durée du traitement antiviral, ni l'élévation (modeste) des CD4 sous antiviraux seuls, ne sont apparus corrélés à la réponse à l'IL2.
Les CD4 sont-ils fonctionnels ?
Au passage, on note que, outre l'intérêt prédictif, ce résultat pourrait permettre de mieux comprendre le mode d'action de l'IL2, qui, apparemment, n'induit pas Bcl-2 chez les patients exprimant initialement le gène à un niveau très bas.
En attendant d'approfondir cette question, le bénéfice biologique de l'IL2 sur le taux de CD4 paraît net. Une interrogation demeure sur son retentissement clinique : dans quelle mesure les CD4 induits par l'IL2 seront-ils fonctionnels ? Pour confirmer le résultat biologique et apprécier son retentissement clinique, les auteurs prônent une étude de plus grande envergure chez des patients dont les CD4 ne « décollent » pas.
D. David et coll. « The Journal of Infectious Diseases », 2001 ; 183 : 730-735.
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