Infections nosocomiales : le mécanisme de virulence d'Acinetobacter baumannii décrypté

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Publié le 23/04/2018
Acinetobacter baumannii

Acinetobacter baumannii
Crédit photo : PHANIE

En identifiant deux sous-populations d'Acinetobacter baumannii bactérie connue pour être hautement résistante aux antibiotiques et responsables d'infections nosocomiales, des chercheurs ont permis de mieux comprendre son mécanisme de virulence et ouvrent à la voie à de nouvelles thérapeutiques. Cette découverte est présentée dans « Nature microbiology ».

Acinetobacter baumannii est de plus en plus impliqué dans la survenue d'infections nosocomiales particulièrement sévères et résistantes. Elle est parfois appelée Iraqibacter en raison de son émergence dans des zones de conflit, en particulier chez les soldats de retour d'Irak.

Dans son étude, l'équipe américaine montre que deux sous-populations d'A. baumannii existent : des cellules opaques virulentes (VIR-O) et des cellules translucides non virulentes (AV-T pour avirulent translucent). La bactérie est de plus capable de passer d'une forme à l'autre.

ABUW_1645, protéine clé dans la virulence de la bactérie

Des observations chez la souris ont montré que les cellules VIR-O étaient prédominantes lors d'une infection, contrairement aux cellules AV-T. Par ailleurs, les cellules VIR-O sont davantage résistantes à divers antimicrobiens, mais aussi à des désinfectants hospitaliers et à la dessiccation.

Le séquençage de l'ARN a mis en évidence le rôle du gène régulateur ABUW_1645. « Cette étude a identifié une protéine clé qui peut entraîner le passage de la forme virulente à la forme non virulente », indique au « Quotidien » le Pr Philip Rather, un des auteurs de l'étude. Le gène ABUW_1645 est 60 fois plus exprimé dans les cellules AV-T que dans les cellules VIR-O.

Une découverte qui ouvre la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques

« Nous avons constaté que lorsque nous forçons les bactéries à produire une grande quantité de la protéine ABUW_1645, les cellules pathogènes sont transformées en une forme incapable de provoquer une maladie et restent bloquées dans cet état non virulent. Elles sont incapables de revenir à la forme causant la maladie », explique le Pr Rather.

Il ajoute : « Ces résultats sont importants, car ils fournissent une cible pour inhiber la virulence en développant des méthodes pour verrouiller les cellules à l'état non virulent. Cela pourrait conduire à la prochaine génération de thérapies ciblant A. baumannii ».

Des observations sur des échantillons de patients hospitalisés confirment le rôle pathogène de la sous-population VIR-O chez l'Homme.

Ces résultats ont deux implications : « D'abord l'utilisation d'une souche enfermée dans la forme non virulente pour développer un vaccin vivant atténué hautement efficace qui fournirait une protection à 100 % dans des modèles animaux ; et ensuite l'identification de petites molécules capables de convertir les cellules pathogènes en cellules incapables de provoquer une maladie en ciblant le mécanisme de conversion », conclut le Pr Rather.


Source : lequotidiendumedecin.fr