LE QUOTIDIEN - La forte croissance des dépenses d'assurance-maladie est-elle selon-vous préoccupante ?
JEAN-CLAUDE MALLET - Elle est bien sûr préoccupante, mais inévitable dans la mesure où, s'il faut maîtriser l'évolution des dépenses, cela ne peut se faire que par un dialogue avec les professionnels de santé.
Or, aujourd'hui, il n'y a aucun dialogue, aucune concertation avec eux sur les mesures à prendre. J'ai été frappé de voir que le 25 janvier, alors que l'on connaissait déjà les tendances d'évolution de ces dépenses, le gouvernement s'est donné six mois pour agir.
La concertation mise en place par Elisabeth Guigou n'est donc pas, selon vous, la bonne méthode ?
Le fameux « Grenelle de la santé » a été, comme on l'a déjà dit, un non-évémement . Tout le monde attendait ce rendez-vous, il ne s'est rien passé à l'exception de la mise en place d'un comité de sages qui va écouter les représentants des professionnels de santé. Mais, on n'en est plus au stade des auditions. L'objectif aujourd'hui est de trouver une solution négociée au problème de l'évolution des dépenses. La situation est catastrophique et on reporte les décisions au mois de juin. Cela veut dire concrètement qu'il n'y aura rien dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale et qu'on va perdre un an et demi pour laisser passer les élections.
Par ailleurs, ce que je regrette dans la démarche d'Elisabeth Guigou, c'est qu'elle soit obligée de faire ce que la CNAM aurait dû faire. Cela montre bien l'état d'esprit de la CFDT et du Medef qui gèrent l'assurance-maladie. Le président et le vice-président de la CNAM braillent tous les quatre matins contre l'intervention de l'Etat et ils sont incapables d'assumer leurs propres responsabilités.
Je n'oublie pas que c'est la CNAM qui a demandé l'application du système de lettres clés flottantes et conduit à l'impasse dans laquelle est le système conventionnel.
L'échec des politiques de maîtrise des dépenses mise en place depuis 1996 ne risque-t-il pas de conduire le Medef, dans le cadre de la refondation sociale, à remettre en cause le système actuel fondé sur la solidarité ?
Moi, j'ai entendu le Medef dire en 1995 que la loi de financement allait permettre de maîtriser les dépenses. Or, le dérapage a toujours lieu. Mais ce n'est pas parce qu'il y a dérapage qu'il faut tout remettre en cause. Le problème est toujours le même, c'est celui de la clarification des responsabilités respectives de l'assurance-maladie et de l'Etat. Il faudrait analyser l'impact de la mise en uvre de la CMU sur l'évolution des dépenses, et notamment sur les prescriptions. C'est toujours la même chose, l'Etat fait des réformes et n'en assure pas le financement complet.
Tant qu'on fixera des objectifs sur des périmètres qui ne sont pas à législation constante, ce sera un marché de dupes. Or le Medef a une responsabilité énorme dans ce qui arrive aujourd'hui. Le plan Juppé a conduit à étatiser la Sécurité sociale et, aujourd'hui, le Medef voudrait la privatiser.
La question, à mon sens, n'est pas là ; elle est de se réapproprier les compétences des partenaires sociaux pour gérer ensemble l'assurance-maladie.
Est-ce que votre organisation participera aux discussions sur l'assurance-maladie que le Medef souhaite ouvrir dans le courant du mois de mars ?
Ce n'est pas dans notre stratégie de boycotter des discussions. Cependant, nous avons déjà engagé un dialogue avec les organisations de médecins et nous comptons bien le mener à son terme. C'est pour nous primordial, car nous croyons que le système conventionnel est le meilleur rempart contre une étatisation de l'assurance-maladie. L'erreur du plan Juppé a été de donner le pouvoir à l'Etat. Désormais, c'est lui qui décide et impose ses choix. Comment un système conventionnel peut-il fonctionner quand la CNAM n'a aucune marge de manuvre pour négocier et que c'est Bercy (le ministère des Finances - NDLR) qui fixe les objectifs de dépenses ? Ce n'est pas ça, la négociation. Le Medef et la CFDT ont une lourde responsabilité dans le blocage du système conventionnel. C'est pour cela qu'avec d'autres organisations de salariés et les représentants des médecins nous avons agi pour être en mesure de faire de nouvelles propositions. Ce que la CNAM a été incapable de faire.
« Ne plus bafouer la démocratie »
Les organisations qui gèrent la CNAM semblent aujourd'hui divisées dans leur stratégie pour renouer le dialogue avec les professionnels. La CFDT a décidé de son côté de discuter avec d'autres organisations de professionnels de santé. N'est-ce pas dommage ?
Je constate que les dernières élections aux unions régionales des médecins ont donné la majorité à certaines organisations et que quatre confédérations de salariés sur cinq ont décidé de discuter avec elles. Si j'étais le cinquième, je me poserais quand même des questions.
Les quatre confédérations ont récemment contesté la légitimité du président de la CNAM à les représenter lors de la concertation avec Elisabeth Guigou. Cette division ne risque-t-elle pas d'entraîner une situation de crise à la tête de l'assurance-maladie ?
Vous ne pouvez pas en permanence bafouer la démocratie. Je crois qu'aujourd'hui ne pas vouloir écouter ceux qui ont une conception différente de l'assurance-maladie, qui ont des idées et qui représentent leurs organisations au sein du conseil d'administration, c'est grave. Nous avons toujours été considérés comme des quantités négligeables, que l'on soit dans l'opposition ou dans la majorité de gestion. Faut-il en tirer les conséquences ? Ça, c'est le problème de la CFDT. Nous, ce qui nous importe avant tout, c'est l'avenir de l'assurance-maladie.
Le renouvellement des conseils d'administration au mois de juillet pourrait-il conduire à une recomposition de la majorité de gestion ?
Ce n'est pas le but recherché. On n'est pas en train de préparer une autre majorité. Nous sommes attachés au système conventionnel et à un certain nombre de principes que nous avons tenu à rappeler. Le reproche que je fais aux gestionnaires actuels de la CNAM, ce n'est pas leur incompétence, ils l'ont démontrée, c'est de ne pas avoir su en prendre conscience.
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