LE QUOTIDIEN - Aujourd'hui, tout le monde semble vanter les mérites de la maîtrise médicalisée et de la responsabilité individuelle dans le secteur ambulatoire. Croyez-vous que ce système, fondé notamment sur le respect des normes de bonnes pratiques, soit source d'économies ?
JEAN DE KERVASDOUE - Ce qu'on appelle « maîtrise médicalisée », ce n'est ni plus ni moins que le contrôle des pratiques cliniques, à commencer par la pharmacie. Cela a d'abord des vertus strictement médicales, l'amélioration de la qualité des soins, et politiques, en permettant de s'assurer que les ressources sont bien utilisées.
Pour ce qui est des économies induites, personne ne le sait vraiment, car, au-delà des beaux discours sur la maîtrise médicalisée, il y a eu très peu de réalisations et il n'y a eu qu'un contrôle très timide des médecins. A cet égard, les RMO [références médicales opposables mises en place en 1994] ne sont que l'école maternelle. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la maîtrise médicalisée, c'est aussi contraignant : on regarde attentivement les pratiques cliniques individuelles et on lève le tabou français de la liberté totale de prescription.
Comment ce mode de maîtrise pourrait-il concrètement limiter l'évolution des dépenses ?
Par exemple, en évitant les actes diagnostiques et les prescriptions pharmaceutiques ou de biologie inutiles. Toute la chaîne de prise en charge est touchée, chacun doit faire au mieux ce qu'il doit faire. Aujourd'hui, on sait que certains spécialistes qui ont des machines peuvent s'autoprescrire, on sait qu'il existe un test de grossesse plus cher que l'autre, on sait qu'il y a des surprescriptions et des prescriptions inadaptées, on sait que les cardiologues ont parfois des interprétations diverses d'un département à l'autre, etc.
Un autre exemple : il y a aujourd'hui, entre les gynécologues d'Ile-de-France, des écarts de prescription importants en matière de durée des arrêts de travail pendant la grossesse. Mais, encore une fois, on ne peut pas faire de vraie maîtrise médicalisée si on n'évalue pas le comportement individuel des médecins. Ce n'est ni aussi simple ni aussi anodin qu'on le prétend parfois.
Que pensez-vous de l'expérience de 1993-1994, qui reste, jusqu'à ce jour, la seule tentative pour mettre en place les instruments d'une maîtrise médicalisée des dépenses ?
Je dirai qu'il y a eu un effet placebo des RMO. Les prescriptions ont diminué, mais quand le corps médical a constaté que les caisses n'avaient pas vraiment les moyens de contrôler, c'est reparti.
Quelles sont, aujourd'hui, les conditions pour instaurer une responsabilité individuelle des médecins ?
Il faut aborder quatre sujets simultanément : la nature et le mode de rémunération des médecins ; la formation initiale et continue avec l'idée que les généralistes auront la possibilité de gagner autant que les spécialistes ; les modalités précises du contrôle des pratiques cliniques ; enfin, l'évolution de la responsabilité médicale. J'ajoute qu'il ne s'agit pas de mettre un flic derrière chaque médecin. Il y a des choses, comme la consultation en première intention, qui doivent échapper au contrôle, au nom d'une certaine idée de la médecine.
Jean de Kervasdoué : « Il ne s'agit pas de mettre un flic derrière chaque médecin »
Publié le 12/02/2001
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Propos recueillis par Cyrille DUPUIS
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Source : lequotidiendumedecin.fr: 6855
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