De notre correspondante
à New York
L E cycle lumière/obscurité est le signal externe le plus important qui synchronise, ou entraîne, les rythmes biologiques avec l'environnement. Ainsi, chez les mammifères, l'information lumineuse est perçue par des photorécepteurs de la rétine et transmise directement au noyau suprachiasmatique de l'hypothalamus, où elle entraîne l'horloge centrale de l'organisme qui commande les rythmes, comme le sommeil et la température corporelle, ainsi que les rythmes dans les organes périphériques.
Des travaux d'une équipe américaine, norvégienne et japonaise invitent maintenant à revoir en partie ce modèle d'organisation hiérarchique du système circadien du mammifère. En effet, les chercheurs démontrent que la phase de rythmicité circadienne dans le foie est indépendante à la fois du noyau suprachiasmatique et de la lumière, et peut être entraînée par l'alimentation.
L'horloge interne du foie
Menaker (University of Virginia, Charlottesville), Stokkan et coll. ont conduit l'expérience suivante. Ils ont exposé des rats à un régime « d'alimentation restreinte », au cours duquel l'alimentation n'est pas disponible tout au long de la journée mais servie seulement pendant quatre heures dans la journée et à heure fixe tous les jours (cinq heures après le début du cycle lumineux de douze heures). Ce régime d'alimentation restreinte est connu pour modifier le comportement. En trois jours, les rats augmentent leur activité locomotrice deux à quatre heures avant l'arrivée des aliments, ainsi que durant la nuit. Cet entraînement du comportement locomoteur par l'alimentation restreinte survient indépendamment du cycle lumière/obscurité, dans la lumière constante, et chez les rats dont le noyau suprachiasmatique est endommagé.
Les chercheurs ont examiné les effets de ce régime d'alimentation restreinte sur la phase de rythmicité dans le foie, les poumons et le noyau suprachiasmatique, reflétée par l'expression rythmique du gène Per1, un gène de l'horloge interne, dans les différents tissus. En pratique, ils ont utilisé un modèle de rat transgénique chez lequel l'expression du gène Per1 est liée à celle du gène marqueur luciférase. Le pic d'émission de lumière par les tissus examinés in vitro reflète ainsi la phase de rythmicité du tissu. Résultat : malgré les effets prononcés de l'alimentation restreinte sur le comportement locomoteur, la rythmicité dans le noyau suprachiasmatique ne change pas d'un iota et reste en phase avec le cycle lumière/obscurité. En revanche, le régime d'alimentation restreinte entraîne rapidement l'horloge circadienne dans le foie, avec observation dès le deuxième jour d'une avancée de 10 heures de sa rythmicité.
La rythmicité dans le poumon est elle aussi affectée par le régime d'alimentation restreinte, mais plus lentement (septième jour) et plus modérément (avancée de six heures).
Des expériences supplémentaires suggèrent que la corticostérone, l'hormone de stress, n'est pas responsable de ces changements de phase dans le foie et les poumons, changements déclenchés par le régime d'alimentation restreinte.
Distension de l'estomac, goût des aliments...
« La rythmicité dans le foie pourrait répondre à un ou plusieurs des signaux directement associés à l'alimentation (par exemple : goût des aliments, distension de l'estomac, apport accru des métabolites ou changement des taux d'insuline) », proposent les chercheurs. « Le poumon pourrait être avancé par sa propre activité accrue lors de l'augmentation de l'activité locomotrice. »
Ces résultats, concluent les chercheurs, montrent que les oscillations circadiennes dans le foie du mammifère (et peut-être dans d'autres organes périphériques) peuvent répondre directement à l'environnement et « pourraient être couplées au noyau suprachiasmatique (NSC), principalement par le comportement rythmique, comme l'alimentation », déclarent les chercheurs.
La lutte contre les symptômes gastro-intestinaux
Ces résultats pourraient avoir des conséquences pratiques. « Les symptômes gastro-intestinaux figurent parmi les plaintes majeures émises par les travailleurs postés et les voyageurs qui ont un jet-lag, et ceux-ci pourraient être soulagés par une attention particulière à l'heure du repas. De plus, la synchronisation du foie vers une phase spécifique, sans perturbation des rythmes contrôlés par le NSC, tels le sommeil et la température corporelle, pourrait accroître la possibilité et l'efficacité thérapeutique de l'administration prévue des médicaments ou d'une radiation. »
« Science » du 19 janvier 2001, p. 90.
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