L E Dr Chantal Rothschild (hôpital Necker, Paris) a rappelé les étapes qui ont marqué le traitement de l'hémophilie A, maladie qui touche environ 4 000 personnes dans notre pays. Maladie dont le pronostic a été transformé, dans les années soixante, par le développement de produits dérivés du plasma, cela modifiant l'espérance et la qualité de vie ; mais on sait que ce progrès a été très largement contrebalancé, dans les années quatre-vingt, par la contamination de plus de 50 % des malades par le VIH mais aussi par les virus des hépatites B et C. Dans ces conditions, l'apparition, en 1988, de Kogenate, facteur VIII recombinant, a été accueillie avec beaucoup de soulagement.
Le Dr Chantal Rothschild a rappelé la rapidité des travaux ayant abouti à la mise au point du premier Kogenate, puisque le gène codant pour le facteur VIII a été identifié et séquencé quatre ans plus tôt ; en outre, le facteur VIII est une très grosse molécule et la mise au point d'un facteur VIII recombinant a été rendue possible par l'individualisation d'un ADN complémentaire qui permet la fabrication par génie génétique.
Kogenate Bayer
Pourtant, l'émergence de nouveaux agents infectieux, à commencer par les prions, ont conduit les autorités de santé européennes à demander aux industriels de s'affranchir autant que possible de toute utilisation de protéines d'origine humaine ou animale au cours des processus de fabrication. En effet, le risque potentiel de contamination virale est, avec la possibilité de provoquer l'apparition d'inhibiteurs, la principale préoccupation des médecins prescripteurs. Ces craintes expliquent que l'on ne soit toujours pas revenu à la politique des traitements prophylactiques, politique interrompue après le scandale du sang contaminé.
Cependant le facteur VIII recombinant a conquis le plus gros du marché de l'hémophilie, même si, parallèlement, les produits dérivés du plasma ont fait l'objet d'améliorations constantes au plan de la sécurité (nanofiltration) en particulier). Si bien que 100 % des patients canadiens et 80 % des hémophiles français sont aujourd'hui traités par facteur VIII recombinant.
La première génération de facteur VIII recombinant laissait toutefois un certain nombre de questions en suspens en ce qui concerne le gradient de sécurité, notamment depuis l'émergence de nouveaux agents infectieux. La demande des autorités de santé européennes étaient alors de s'affranchir autant que possible de toute utilisation de protéines d'origine humaine ou animale dans les processus de fabrication. Kogenate Bayer répond à ces recommandations en bénéficiant d'un procédé de fabrication innovant : le milieu de fermentation qui ne contient aucune protéine bovine a été spécialement mis au point pour la culture en flux continu des cellules BHK, parfaitement caractérisées depuis plus de dix ans.
L'albumine humaine a été éliminée de la formulation finale, la stabilisation étant obtenue grâce à du saccharose (brevet Bayer). Tout excipient d'origine animale a également été éliminé.
Le procédé de purification a été modifié de façon à rendre également inutile l'adjonction d'albumine humaine ; ce process comporte une nouvelle étape d'inactivation virale (procédé solvant/détergent) et la diversification du choix des étapes de chromatographie. Parallèlement à la majoration du gradient de sécurité, la réduction du nombre d'états de purification optimise le respect de l'intégrité de la molécule dont la conformation et la fonction restent similaires à celles du facteur VIII natif : on réduit ainsi les risques d'apparition d'inhibiteurs anticorps neutralisants dirigés contre le facteur VIII.
Un très bon profil d'efficacité et de tolérance
Enfin, l'assurance qualité est très rigoureuse à tous les stades de la fabrication : au total plus de 400 contrôles parfaitement validés sont réalisés afin de garantir la reproductibilité et la sécurité des lots.
Kogenate Bayer a fait l'objet de deux études cliniques internationales visant à démontrer l'efficacité et la sécurité d'emploi du produit, d'une part, chez des patients préalablement traités par un concentré de facteur VIII (plasmatique ou recombinant) et, d'autre part, chez des patients non traités auparavant, dits « naïfs ». En ce qui concerne le premier groupe, on enregistre un contrôle des épisodes hémorragiques dans plus de 93 % des cas, avec une ou deux perfusions, le produit se révélant également performant sans traitement prophylactique. On ne note l'apparition d'aucun inhibiteur de novo chez ces patients déjà traités par du facteur VIII plasmatique ou recombinant.
La seconde étude, menée chez 62 patients naïfs, montre une efficacité équivalente ; un inhibiteur est apparu chez 9 de ces enfants, ceux-ci étant génétiquement prédisposés au développement d'inhibiteurs.
D'autres étapes attendues
Enfin, ces études confirment la très bonne tolérance de Kogenate Bayer, avec seulement 0,2 % d'événements indésirables, discrets et modérés.
Comme l'a précisé le Dr David Naveh (Bayer Corporation, Berkeley, Etats-Unis), Kogenate Bayer représente une étape importante dans l'engagement de Bayer pour le traitement de l'hémophilie mais l'histoire ne s'arrêtera pas là : une nouvelle génération de Kogenate devrait permettre de supprimer totalement des protéines humaines et animales à tous les stades de fabrication, en supprimant l'albumine à la phase de fermentation. Par ailleurs, une forme lysosomale de facteur VIII recombinant est actuellement à l'étude dans le double but d'allonger la demi-vie du facteur VIII recombinant et de minimiser encore le risque de développement d'inhibiteurs.
Enfin, l'accord passé avec la firme Avigen porte sur le développement d'une thérapie génique destinée cette fois à l'hémophilie B : les débuts des essais cliniques sont prévus en 2002.
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