De notre correspondant
L E ministre de la Santé est venu à Lyon à l'invitation du Cercle, un groupe de réflexion qui réunit, « au-delà des clivages partisans et sur des valeurs médicales communes », les responsables de tous les syndicats de médecins cancérologues (tous modes, lieux et statuts d'exercice confondus), des directeurs d'hôpital et des responsables de l'assurance-maladie.
Le Cercle tenait à Lyon, au Centre international de recherche sur le cancer, son séminaire annuel consacré à l'analyse du plan cancer lancé l'an dernier pour cinq ans et surtout aux améliorations qu'il conviendrait d'y apporter.
Pendant plus de deux heures, sur le ton franc et incisif qu'on lui connaît, le ministre s'est livré avec ses interlocuteurs à une partie très animée de questions-réponses. Non sans avoir en préambule insisté sur le fait qu'il n'a qu' « un an pour mener de front de très nombreux chantiers » et que le système de soins français reste malheureusement « digne du Moyen Age » en raison de la coupure entre son ministère et « Bercy, qui détient l'argent », et auquel il est constamment contraint de réclamer des rallonges budgétaires : le changement qu'il réclame, a-t-il lancé plusieurs fois avec insistance, serait la naissance d'un ministère de la Santé enfin doté des moyens de sa politique.
Dynamiter la carte sanitaire
Le plan quinquennal fut ensuite exposé, le ministre reconnaissant que nombre de mesures méritent un réexamen, un coup de pouce budgétaire, une réorientation dans la manière de les appliquer, voire de nouvelles expertises pour mieux cerner les besoins. C'est notamment le cas pour la répartition sur le territoire des instruments d'imagerie et de radiothérapie (le plan prévoit une dotation supplémentaire de 500 millions). « Il faut dynamiter la carte sanitaire ! », a-t-il même lâché à ce sujet.
Priorité des priorités pour le ministre : la lutte contre le tabagisme : 100 millions de francs seront débloqués à nouveau cette année, afin que l'objectif d'au moins une consultation antitabac dans tous les établissements de plus de 200 lits puisse être atteint.
Le dépistage, ensuite, doit être « activement développé » : pour le cancer du sein, la généralisation à tout le territoire (contre 32 départements aujourd'hui) est pour « très bientôt ». Mais Bernard Kouchner veut aller plus loin : il vise la même généralisation d'ici l'an prochain pour le cancer colo-rectal. En outre, « malgré les difficultés de tous ordres », le ministre veut aussi expérimenter le dépistage du cancer de la prostate dans une dizaine de départements, afin d'évaluer la pertinence d'un dépistage à l'échelon national.
Un autre aspect épineux, « symbolique du côté ubuesque du système », qui avait été soulevé par plusieurs cancérologues des secteurs public et privé, a retenu l'attention du ministre : l'enveloppe budgétaire supplémentaire prévue dans le plan pour les chimiothérapies, que certaines agences régionales d'hospitalisation ont tendance, semble-t-il, à répartir de façon discutable entre les établissements. Des directives devraient suivre pour que les établissements exclusivement spécialisés en cancérologie ne soient pas défavorisés par rapport à ceux qui prennent aussi en charge, par exemple, des malades du VHC (interféron), les tutelles n'ayant pas forcément aujourd'hui les connaissances suffisantes pour faire la part, au sein du chapitre « molécules coûteuses », de ce qui relève de la cancérologie et de ce qui relève de la prise en charge des hépatites.
Pour un « ministère des Malades »
Dotée par le plan de 10 millions de francs, la psycho-oncologie, ont insisté ensuite plusieurs psychiatres, mérite probablement un budget supplémentaire. Le ministre en convient et souhaite des études plus fines pour mieux définir les besoins. Insistant enfin en présence du Pr Henri Pujol, président de la Ligue nationale contre le cancer, sur le rôle nouveau de lobby, « mais de lobby de bonne volonté, travaillant en excellente intelligence au côté des médecins », que sont amenés à jouer les malades cancéreux, Bernard Kouchner a longuement exposé l'une de ses « convictions fortes » : seuls les malades « feront bouger le système ». Car à ses yeux « les hommes politiques ne sont que de peu de poids par rapport aux patients » et les professionnels de santé, de leur côté, font trop souvent preuve de « conservatismes d'un autre âge ».
Bernard Kouchner rêverait d'ailleurs d'un ministère rebaptisé « ministère des Malades », ouvert à tous. Il conviendrait toutefois que ces mêmes malades, citoyens contribuables et assurés sociaux, décident eux-mêmes s'ils sont prêts à « payer plus pour leur santé » et donc à contribuer davantage au financement du système. Dans l'esprit du ministre, ce sera l'un des enjeux des prochains états généraux de la Santé, dont il a annoncé l'organisation, sur le thème riche mais complexe de « la responsabilisation » des uns et des autres, malades et professionnels de santé.
Le CIRC mieux traité par la France ?
Financé par l'OMS et installé depuis 1965 à Lyon, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) est un « outil unique au monde de connaissance en étiologie et épidémiologie des cancers, notamment des cancers d'origine professionnelle », a expliqué devant Bernard Kouchner le Pr Gilbert Lenoir, aujourd'hui responsable de la recherche à l'institut Gustave-Roussy mais qui a fait une grande partie de sa carrière depuis 1974 au CAC et au CIRC à Lyon. Or il souffre, selon le Pr Lenoir, d'une certaine « indifférence » de la France, son statut international le faisant en outre dépendre des Affaires étrangères. Le ministre en est convenu là encore, avant de déclarer qu'à ses yeux ce ministère est lui aussi « sous-doté », puis de promettre d'en parler « à son ami Hubert Védrine ». Un dossier supplémentaire que Bernard Kouchner a donc accepté de « remonter » avec lui vers Paris, en estimant qu'il serait plus logique que le CIRC relève de la Santé et de la Recherche.
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