L A Commission européenne (direction générale de la Consommation et de la Protection de la santé, dite DG-24) avait publié en juillet 1999 un rapport préliminaire pour évaluer les performances comparées des quatre tests en compétition pour le diagnostic de l'encéphalopathie spongiforme transmissible chez les bovins.
La sensibilité du test britannique, EG & G. Wallac Ltd, avait été mesurée à 70 %, contre 100 % pour les trois autres compétiteurs. A l'opposé, le test du CEA, mis au point par l'équipe du Pr Dominique Dormont, avait remporté la palme de la meilleure sensibilité, avec 20/20 pour une dilution de 10 puissance - 2 ; le test Prionics avait 15/20 pour la dilution de 10 puissance - 1 et 0/20 à 10 puissance - 1,5 ; le test Enfer était noté à 20/20 à 10 puissance - 1,5 et à 0/20 pour la dilution 10 puissance - 2.
Le test du CEA, ainsi consacré par Bruxelles comme le champion de la sensibilité, de nombreuses voix s'élevèrent lorsque, le 8 juin dernier, Marion Guillou, alors directrice générale de l'Alimentation (DGAL, ministère de l'Agriculture), annonça que c'était le test suisse Prionics qui avait été sélectionné dans le cadre du programme de dépistage de l'ESB fondé sur 48 000 prélèvements effectués sur des bovins à risque (morts, malades, ou accidentés et abattus en urgence) dans les douze départements de l'ouest de la France où la prévalence de la maladie est la plus élevée.
Six mois plus tard, la DGAL validait deux tests pour effectuer le programme de dépistage sur tous les bovins de plus de trente mois : Prionics, distribué par la société française AES Laboratoire, et le test du CEA, désormais commercialisé par la société américaine Bio-Rad.
Chez Enfer, qui a été écarté du marché, on se déclare victime de discrimination : « Enfer fait l'objet d'un délit de sale gueule. Il est impossible de savoir pourquoi ce test n'est pas autorisé dès lors qu'il délivre des informations en trois heures », accuse le représentant français de la société irlandaise, qui s'insurge avec d'autant plus de véhémence contre l'interdiction de son test que « les autres laboratoires ne parviennent pas à répondre aux besoins du pays ».
40 000 tests par semaine
Des besoins en effet à la mesure du marché. D'ici à la fin du mois, quelque 40 000 tests hebdomadaires devraient être réalisés en France. A raison de 100 F le kit de réactif, le chiffre d'affaires mensuel dépasse les 16 millions de francs. L'enjeu est encore plus évident quand on sait que pas moins de 2,3 millions de bovins de plus de trente mois étaient consommés chaque année en France, avant que la crise ne provoque une psychose chez les consommateurs. A noter que la pertinence de ce nouveau programme de dépistage a été vérifiée par un test positif sur une vache montbéliardaise née en 1995 dans le département de l'Ain. Un animal qui, sans le dépistage systématique, serait entré dans la chaîne alimentaire.
A ce jour, sur les 38 laboratoires départementaux agréés, 33 emploient Prionics et 5 Bio-Rad. Chez AES, pourtant, on ne se satisfait pas de ce score et on dénonce la pression exercée pour que le test Bio-Rad soit validé, « car il est développé par le CEA, alors que jusqu'au 2 janvier, il n'avait jamais fait l'objet d'une validation sur le terrain ». Accusation jugée « grave » par le responsable du programme ESB chez Bio-Rad, qui affirme que « la fiabilité, la précision et la sensibilité (de son test) sont prouvées ».
Circonspecte devant le « forcing » des laboratoires en compétition, la nouvelle directrice générale de l'Alimentation, Catherine Geslain-Laneelle, se borne à constater que les tests ne sauraient être départagés selon le seul critère de leur sensibilité, car les arguments pratiques liés à leur rythme de production, à leur rapidité d'exécution et à la formation des personnels appelés à les réaliser entrent également en ligne de compte.
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