La preuve indirecte de la réversibilité des effets néfastes de l'obésité

La chirurgie bariatrique réduit le risque de mélanome malin

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Publié le 05/06/2018
chir baria

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Crédit photo : PHANIE

L’obésité s’accompagne d’un surrisque clairement démontré de nombreux cancers solides, dont certains cancers de la peau parmi lesquels les mélanomes malins. Un lien statistique est décrit depuis quelques années. Sur le plan physiopathologique, on invoque des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux dans cette cancérogenèse. On incrimine principalement le rôle de l’insulinorésistance donc de facteurs de croissance comme l’insuline, IGF, les adipokines et les cytokines et des voies de signalisation intracellulaire PI3K/Akt et MAPK.

Des données précédentes ont montré que la réduction de l’obésité ralentit la dynamique de croissance des mélanomes malins. Cette étude scandinave rapportée le 24 mai dernier à Vienne au congrès ECO (1) a porté sur 4 000 obèses suivis durant 18 années. Elle montre que les patients ayant bénéficié d’une chirurgie bariatrique ont eu une diminution à long de 42 % de risque de cancer de la peau et jusqu’à 61 % des mélanomes malins après ajustement et de fait de mortalité liée à ces affections.

Ce constat est d’autant plus important que l’on sait que l’incidence des mélanomes est croissante partout dans le monde.

4 000 patients suivis pendant 18 ans

Les auteurs se sont fondés sur les données de l’étude scandinave swedish obesity study (SOS), comparant approche chirurgicale et médicale. SOS a été menée entre 1987 et 2001, sur 6 095 individus âgés de 37 à 60 ans avec un IMC > 34 kg/m2 pour les hommes et > 37 kg/m2 pour les femmes. Ont été retenus pour l'analyse, 2 010 individus dans le bras assigné à la chirurgie bariatrique (CB) et 2 037 à la prise en charge conventionnelle. Les 2 groupes ont été appariés sur 18 variables et plusieurs facteurs de risque environnementaux ont été analysés au travers de questionnaires.

Après un suivi médian de 18,1 années, le poids fut trouvé stable dans le groupe de traitement conventionnel et a diminué de 25 % dans le bras CB au bout d’une année puis s’est stabilisé en dessous de 15 à 20 % de l'IMC initial ensuite.

Durant cette période, 41 cancers de la peau ont été diagnostiqués dans le groupe conventionnel vs 23 dans le groupe CB soit HR = 0,58 et p = 0,044. Pour les mélanomes malins, ces chiffres étaient de 29 vs 12, soit HR = 0,39, p = 0,008. Aucune interaction (alcool, diabète, tabac…) n’a pu être mise en évidence expliquant ces résultats.

Les auteurs rappellent ce que nous écrivions plus haut : « l’obésité est une maladie inflammatoire et l’inflammation un composant essentiel de la genèse des cancers… », «...et hormonale : insuline IGF leptine… ».

Ceci représente une confirmation indirecte de ces liens physiopathologiques en y ajoutant ici la notion de réversibilité des effets néfastes de l’obésité par une approche thérapeutique radicale. Donc, plus qu’un constat statistique, un espoir de réduire un parmi des cancers dont on sait le pronostic péjoratif malgré les progrès accomplis depuis une décennie.

Professeur émérite à l'université Grenoble-Alpes, Grenoble
(1) Magdalena Taube (Gothenburg, Suède), communication au Congrès Européen sur l’Obésité (ECO), Vienne, 25 mai 2018, Abstract 076

Pr Serge Halimi

Source : lequotidiendumedecin.fr