EN INSCRIVANT dans la convention, pour la première fois, des objectifs quantifiés et régionalisés de maîtrise médicalisée sur six postes (antibiotiques, psychotropes, statines, arrêts de travail, ALD, génériques) et en précisant que ces engagements portaient « sur 2005 », les syndicats médicaux signataires et l'assurance-maladie ont pris un risque : celui d'être démentis par les chiffres quelques mois plus tard, et donc de fragiliser l'édifice de la régulation médicalisée. Les partenaires conventionnels ne pouvaient sans doute pas procéder autrement, bien obligés qu'ils étaient de montrer à l'opinion que la convention repose sur un « deal » consistant à troquer des revalorisations contre la réduction des prescriptions inappropriées. Où en est-on exactement ?
Van Roekeghem « étonné ».
Après la double charge de la Cour des comptes puis de la Mutualité française sur l'incapacité des médecins à apporter des contreparties aux revalorisations, la direction de la Cnam a décidé de ne pas souffler sur ces braises. Bien au contraire, elle joue l'apaisement. Résultats « encourageants», « tangibles » et même « substantiels » : le vocabulaire utilisé par Frédéric van Roekeghem, directeur opérationnel de l'assurance-maladie, est délibérément positif. Les chiffres sont pourtant têtus et la Cnam doit admettre que les engagements inscrits dans la convention ne seront pas (totalement) respectés : elle table désormais sur « 675 millions d'euros » d'économies cette année, soit les deux tiers de l'objectif initial de 998 millions d'euros.
Dans le détail des principaux postes, les arrêts de travail procurent les meilleurs résultats (- 5 % de journées indemnisées sur huit mois), bien au-delà des objectifs fixés, et devraient permettre d'engranger plus de 400 millions d'euros d'économies. Les scores sont moins spectaculaires sur les antibiotiques (- 2,1 % des dépenses d'ici à la fin août après corrections des variations épidémiques, contre un objectif de baisse de 10 % en 2005) ; mais la Cnam annoncera demain, à propos des prescriptions d'antibiotiques, une « très bonne nouvelle concernant les jeunes enfants ».
Les dépenses de remboursement de statines reculent pour la première fois sur les quatre derniers mois (- 2,3 % de juin à septembre 2005 par rapport à la même période 2004) grâce à la moindre progression des volumes, à l'arrivée de génériques de la simvastatine et aux baisses de prix. Une situation qui permet d'infléchir enfin la tendance 2005, même si l'objectif sur ces médicaments anti-cholestérol ne sera pas atteint.
Sur les génériques, le directeur de la Cnam constate des résultats « extrêmement encourageants » avec une part de marché qui progresse à répertoire constant : 59,6 % des boîtes généricables en août 2005 contre 56 % un an plus tôt.
En réalité, c'est surtout la gestion du remboursement à 100 % pour les patients en ALD (respect de la réglementation de l'ordonnance bizone) qui se révèle très décevante à ce stade. Il s'agit, en effet, et de loin, du principal vivier d'économies pour 2005 avec un objectif global de 455 millions d'euros, soit près de la moitié des engagements de maîtrise médicalisée. Mais, là encore, le directeur de la Cnam ménage les médecins de ville. « Contrairement aux arrêts de travail, nous n'avons vraiment démarré les actions sur les ALD que dans le courant du deuxième semestre, explique-t-il . Il faut accélérer (le nouveau de protocole de soins doit y aider). » Et de demander pour les ALD, comme pour les arrêts de travail, les mêmes efforts aux médecins hospitaliers (encadré).
Quelles marges, quel calendrier ?
On le voit : au-delà des chiffres bruts, c'est l'interprétation politique des résultats qui sera essentielle le moment venu. « Je suis étonné par le décalage entre la perception des choses que nous avons, en interne, et l'impatience qui s'exprime pour que nous obtenions des résultats en quelques mois », analyse Frédéric van, Roekeghem. Comme les syndicats signataires, la caisse rappelle que la montée en charge des dispositifs de maîtrise n'est intervenue que depuis mars, au mieux. Et que les économies réalisées « en année pleine » dépendront donc « des six prochains mois ». Une façon de demander un peu de temps et d'éclairer autrement le bilan au 31 décembre. « La voie de la maîtrise médicalisée exige persévérance et durée, c'est un effort collectif, pas seulement celui des médecins », prévient encore Frédéric van Roekeghem.
Il rappelle enfin que le taux de croissance des soins de ville a enregistré un ralentissement spectaculaire cette année: +1,9 % depuis janvier alors que le rythme de croissance moyen 2000-2004 atteignait près de 7 % par an.
Faut-il comprendre que les médecins libéraux pourront faire valoir, à l'heure du bilan d'étape, vers le 15 décembre, ces premiers succès en vue de revalorisations en 2006 ? « Ne mettons pas la charrue devant les bœufs, coupe cette fois le directeur de l'assurance-maladie. Les discussions s'ouvriront, soyons raisonnables. Nous ferons notre part du chemin. »
Montant des économies pour 2005 |
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OBJECTIF DE LA MAITRISE MEDICALIDEE | ECONOMIES REALISEES | |||
Taux | Montants (en millions d'euros) | Taux | Montants (en millions d'euros) | |
Antibiotiques | - 10,0 % | 91 | - 2,2 % | 20 |
Statines | - 1,5 % | 161 | 3,2 % | 107 |
Psychotropes | - 10,0 % | 33 | - 3,0 % | 10 |
Arrêt de travail | 1,6 % | 150 | - 1,5 % | 424 |
ALD (libéraux) | - 5 pts | 340 | - 1,2 pt | 82 |
ALD (Établissements) | - 5 pts | 115 | 1,6 pt | 0 |
Génériques | 5 pts | 55 | 3 pts | 33 |
AcBUS | 53 | 0 | ||
Total | 998 | 675 | ||
Source : Cnam. |
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