Mots choisis pour la médecine

La Commission de néologie de terminologie veille

Publié le 03/03/2004
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LE TEMPS DE LA MEDECINE

« Les innovations sont tellement nombreuses dans les domaines scientifiques et techniques, qu'il est nécessaire de créer de nouveaux mots », reconnaît le Pr Delaveau. C'est comme cela que les termes prébiotique et probiotique ont été composés. Dans un cas, il s'agit d'ajouter des bactéries favorables au développement de la flore, dans l'autre, d'introduire des représentants de cette flore. « Il faut être sûr que les nouveaux mots ne vont pas bloquer des emplois où ils pourraient être plus utiles. Bio, par exemple, est une racine grecque extrêmement demandée. »
Autre exemple, le terme de lémonologie, créé pour désigner l'ensemble des organismes vivants parasites de l'homme (virus, bactéries, parasites).
Certains mots n'ont pas fait l'unanimité, comme algologie (du latin alga, quelque chose qui pousse dans la mer, et du grec logos, discours), qui correspond traditionnellement à la science des algues. « Il est utilisé maintenant pour désigner ce qui traite de la douleur (du grec algos , douleur).  »
Les apports anglo-américains, part importante du travail de la commission, peuvent faire l'objet de longues discussions. En premier lieu, on cherche s'il n'existe pas un mot français qui exprime l'idée, avant d'incorporer le terme anglais s'il paraît utile.
Une discussion est en cours sur homing, pour caractériser les lymphocytes qui retournent au bercail, dans les ganglions. Ne pourrait-on choisir tout simplement retour ?
Après débat, le mot knock-out pour désigner les animaux de laboratoire chez qui un gène est inactivé a été adopté. Il est vrai que le mot était déjà entré dans la langue française via le sport.

Attention aux confusions.

On veille à éviter les confusions, comme celle entre le gérondif anglais et le participe présent français. Il vaut mieux parler de protéine recombinée, qui désigne un état abouti, que de protéine recombinante, une action en train de se faire.
La commission essaie d'éviter la généralisation des anglicismes, comme bêtabloqueur, transcrit directement de l'anglais, alors que le mot bêtabloquant existe en français. « Nous n'avons pas réussi à éviter les potentiels évoqués , qui sont en fait provoqués car on a changé de niveau après une excitation. » Il est classique de signaler les mots passés de l'anglais au français, mais l'emprunt inverse n'est pas négligeable. En cardiologie par exemple, de nombreux bruits sont désignés en anglais par les mots français : bruit de canon, bruit de galop...
Attention à ne pas utiliser un mot français en lui donnant un sens erroné, correspondant à une mauvaise traduction de l'américain. « Le terme abus sexuel nous fait bondir. Sexual abuse doit se traduire par violence ou sévice sexuel . En français, abus désigne un excès (de boisson par exemple). On ne cherche pas à définir un une quantité, mais un fait. »
La commission traque aussi les polysémies inappropriées (fait d'attribuer plusieurs sens à un mot). C'est le cas du mot contrôle. A l'origine, il s'agissait d'une vérification de documents ou d'actes (contre-rôle élaboré par un copiste). Il y eut un glissement de sens vers la notion d'une surveillance, puis d'une maîtrise (self control). Dans les textes américains, on emploie control dans le sens de lutte contre, de maîtrise avec l'idée d'une opposition ( birth control). Un autre sens inapproprié s'ajoute maintenant, pour traduire trop rapidement le terme anglais de control group des études ou des enquêtes cliniques, alors que l'on doit parler en français de groupe témoin.
« Certains termes sont surchargés de sens », souligne le Pr Delaveau. Télémédecine a été créé à partir du grec ( tele : à distance). Il existe deux acceptions possibles : la médecine enseignée ou pratiquée à distance. « Comme tele est une racine très fréquemment demandée, il serait utile de faire appel à d'autres sources, dans d'autres langues. »
Un membre de l'Académie française préside au final la Commission générale de terminologie et de néologie, qui réunit les résultats des différentes sous-commissions appartenant à plusieurs ministères. Régulièrement paraît une liste fixant les mots adaptés.

* Le Pr Pierre Delaveau est membre des académies nationales de médecine et de pharmacie.

Bibliographie

Le Pr Delaveau a réalisé ou participé à plusieurs ouvrages sur la terminologie médicale.
Le « Vade-mecum du vocabulaire de la santé, d'abducteur à zygomatique » rassemble 6 000 mots, pour lesquels l'auteur donne les racines grecque et latine, les définitions, les synonymes et les dérivés (Masson, 380 p., 25 euros).
Un très utile « Glossaire médico-pharmaceutique anglais-français » donne le sens de 1 500 termes anglo-américains et de plus de 300 abréviations, sigles et acronymes (Pharmathèmes, tél. 01.47.83.30.60, 300 p., 36,60 euros).
Pour ceux qui s'intéressent à l'histoire du vocabulaire médical, signalons « la Grande Aventure du terme médical », de Jean Bossy (Sauramps, 490 p., 30,50 euros).
Et aussi, pour les étudiants : « Comprendre la terminologie médicale », de Gilles Landrivon, une méthode d'apprentissage du vocabulaire médical (Frison-Roche, 200 p., 19,60 euros).

> Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7491