P IERRE LABAT est un habitué des performances en tout genre. Ce fils de marchand de chaussures a tout d'abord passé son certificat d'études, évidemment haut la main, avant d'entrer à l'Arsenal de sa ville, Brest, comme ouvrier apprenti. Mais, comme il voit ses camarades poursuivre des études supérieures, il décide de se faire mettre en arrêt maladie un mois et demi, le temps de passer son bac, qu'il décroche illico. Et le voilà qui s'inscrit dans la foulée en faculté de médecine, à Paris, en 1945.
« Au collège, je m'étais distingué par mon goût pour l'orthographe et mes résultats en dictée ; mais en dissertation, je ne me classais que parmi les bons, se souvient-il, à un niveau insuffisant pour ambitionner une carrière dans les lettres. Alors, j'ai opté sans hésitation pour la médecine. »
Le Petit Larousse de Z à A
S'ensuit une longue et heureuse carrière de généraliste, au sein du groupe médical de l'Octroi, à Brest. Quand l'heure de la retraite sonne, en 1985, le destin orthographique se rappelle au Dr Labat, sous la forme d'une étrange compétition télévisée qui voit le jour justement cette année-là, les Dicos d'or, que lance le journaliste-animateur bien connu Bernard Pivot, relayé par le mensuel « Lire ».
Le tout jeune retraité s'y essaye. Sept ou huit fautes pour son coup d'essai. Qu'à cela ne tienne, Pierre Labat s'attelle à la tâche. Il ouvre son Petit Larousse à la lettre Z et, à raison d'une à deux heures de travail quotidien, remonte jusqu'à la lettre A. En tout, quelque 50 000 mots, dont aucun ne doit lui échapper pour parvenir à ses fins. A cette lecture de bénédictin s'ajoute sa pratique des mots croisés, ainsi que des ouvrages de la littérature, moins austères que le dictionnaire. « Un travail, confie-t-il, que j'accomplis en couple, avec mon épouse. »
Peut-on parler d'une ascèse de l'observation et de la mémorisation des termes techniques en tous genres ? « Disons plutôt une manie », rectifie-t-il en souriant, tant l'attention à l'orthographe envahit le cours de son existence, avec, en particulier, la lecture sans pitié d'une presse grouillante de fautes.
Mais les résultats sont là, le palmarès, éclatant : en 1991, le Dr Labat rafle le Championnat de France à l'UNESCO. En 1993, il est sacré champion du monde, lors de la superdictée organisée à New York. La même année, en France, il arrive deuxième - à cause d'une demi-faute : « J'avais mis un trait d'union à Mendès France, conformément à l'usage, j'ignorais que le président du conseil avait formellement banni ce trait de son nom ! »
Avec ces Dicos d'or dits de l'an 2000, notre habitué des podiums décide de concourir pour la dernière fois. « Le mauvais temps des dernières semaines a favorisé mes révisions », convient-il. De fait, il arrive premier aux sélections régionales qui réunissent 760 concurrents à Lanester (Morbihan), le 4 novembre.
Le jour de la finale, samedi dernier, dans la prestigieuse salle de l'Olympia, est aussi celui de l'anniversaire de ses 78 ans. Parmi les 210 accros en lice, cinq feront un « sans-faute ». Et, bien sûr, il en est, déjouant les redoutables pièges des « racines de rauwolfia », le « dernier nycthémère », « les gros à-valoir » et autres « irascibles mastiffs » qui parsèment le texte ravageur rédigé par Bernard Pivot.
Ainsi peut-il monter sur la première marche pour recevoir à l'Olympia le trophée d'or. Souhaitons-lui la gloire la moins « marcescible » (périssable) possible !
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