25 JUILLET 1995. Attentat du RER Saint-Michel, à Paris. Alors qu'on relève une centaine de blessés en état de choc, le Dr Xavier Emmanuelli, secrétaire d'Etat à l'Action humanitaire d'urgence, met en place la première Cump, rattachée au Samu de Paris, avec des psychiatres, des psychologues et des infirmiers psychiatriques. Deux ans plus tard, le réseau national de l'urgence médico-psychologique dispose d'un maillage départemental (psychiatre référent, schéma type d'intervention, conventions interhospitalières) et régional (cellules permanentes, avec un psychiatre et un psychologue à mi-temps). De cinquante interventions sur le terrain effectuées en 1997, on est passé à plus de sept cents en 2000.
Un vent de contestation.
Mais tandis que la sollicitation des cellules se fait de plus en plus pressante et de plus en plus diversifiée (les équipes sont appelées à la rescousse lors d'annonces de plans sociaux, pour des fermetures d'entreprise, après une décision d'abattage de troupeaux de bovins), un vent de contestation s'est mis à souffler parmi les psychiatres. C'est tout d'abord aux Etats-Unis qu'il s'est levé, dans le premier pays à avoir développé des stratégies thérapeutiques à base de débriefing psychologique, pour prévenir les syndromes psychotraumatiques différés et/ou chroniques, comme le stress post-traumatique.
Des voix s'élèvent pour dénoncer l'utilisation systématique et sans discernement du débriefing dans les suites d'un événement traumatogène. « Nous savons aujourd'hui que les théories qu'on avait tendance à appliquer, c'est-à-dire une intervention lourde et immédiate après une tragédie comme un attentat, sont non seulement sans effet, mais potentiellement dangereuses », affirme le Pr Simon Wessely, de l'institut de psychiatrie du King's College de Londres. C'est l'hallali contre une certaine stratégie de soins en vigueur outre-Atlantique, jugée, comme le résume le Dr François Ducrocq, psychiatre coordinateur régional de la cellule d'urgence médico-psychologique Nord-Ouest, au Chru de Lille, « trop intrusive, trop systématique, trop précoce, confusément proposée sans définition de la compétence des intervenants (travailleurs sociaux, policiers...) et sans définition du caractère traumatique de l'événement ».
En outre, huit études ont été publiées dans les revues scientifiques (« BMJ », « Lancet », « American Family Physician »...). Deux seulement mettent en évidence de meilleurs résultats chez les sujets qui ont bénéficié d'un débriefing ; deux autres font état d'un effet néfaste du débriefing sur les séquelles psychotraumatiques. Les quatre études restantes ne laissent apparaître en définitive aucune différence significative entre sujets traités et sujets non pris en charge.
Passant au crible ces travaux, une équipe de trois médecins français (Drs Alain Nehmé, François Ducrocq, Guillaume Vaiva) conclut dans la revue « Stress et Trauma » (2004, 249-263) que, au-delà des « difficultés méthodologiques inhérentes à ce type d'études », une certaine efficacité des différents débriefings sur le stress aigu est observée chez les patients ; ceux-ci font couramment état de leur « haut degré de satisfaction » au sujet des interventions qui leur ont été proposées.
Le débat, quoi qu'il en soit, reste vif entre psychiatres favorables et opposés aux Cump. Parmi les anti, le Dr Ronan Orio (CHU-hôtel-Dieu de Nantes), ancien coordinateur national des cellules en 2001, stigmatise ouvertement « cette façon qu'ont certains médecins de se précipiter sur le terrain pour faire du soin magique et jouer les stars sous le feu des médias. Mais quand vous êtes au contact des grands blessés sous morphine, l'urgence est évidemment à la réparation de la casse physique, quitte à ce que, dans un deuxième temps, un travail d'écoute puisse être envisagé (...) La variable psychiatrique et psychologique ne constitue jamais que l'un des éléments après la prise en charge de la douleur physique. Et il est plus important d'avoir des échanges verbaux avec des patients sur le concret de leur situation que de se livrer avec eux, coûte que coûte, aux verbalisations prônées dans le cadre des briefings des Cump. »
C'est dans ce contexte troublé que la Direction générale de la Santé a décidé de lancer une étude multicentrique nationale intitulée « Evaluation de l'effet des interventions psychothérapeutiques postimmédiates en prévention secondaire des troubles psychotraumatiques ». Membre du comité de pilotage et du conseil scientifique de ce Phrc (programme hospitalier de recherche clinique), le Pr Frédéric Rouillon, qui dirige la cellule d'appui scientifique de la DGS, précise que cette métaanalyse portera sur plusieurs centaines de cas de victimes d'accidents collectifs (plus de dix personnes impliquées) et de victimes de viols et d'agressions individuelles. Ainsi pourraient être validée l'utilisation de ce type de stratégie thérapeutique, mieux précisées ses modalités pratiques et spécifiées ses indications. Publication attendue à la fin 2007.
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