Théâtre
LA PLUS BELLE SURPRISE de la saison à la Comédie-Française, la plus bouleversante, vient vient de ce siècle d'or espagnol que l'on connaît bien mal sur les scènes françaises. Il faut dire que le genre est difficile. L'acte sacramental (auto sacramental) repose sur des règles strictes. Il est histoire édifiante en un acte, allégorique, qui a pour thème le mystère de l'Eucharistie. il se donnait sur les places, les tréteaux de foire à la Fête-Dieu. Il est religieux.
Mais le génie de Calderón de la Barca (né en 1600), qui écrivit une centaine d'autos sacramentales, l'auteur de « La vie est un songe », excède les motifs strictement religieux, théologiques. Il parle de la vie et de la mort en usant des figures de la tradition chrétienne mais en leur insufflant une puissance poétique rare. On est dans un imaginaire comme arraché au fonds du Moyen âge et dans une forme théâtrale d'une modernité fascinante sur laquelle le metteur en scène Christian Schiaretti s'appuie d'ailleurs avec bonheur.
Dans « le Grand Théâtre du monde » (déjà monté autrefois par Victor Garcia, notamment), il s'agit de faire du théâtre, au plus haut.
Il y a l'auteur du ciel et de la terre (Andrzej Seweryn) qui convoque le monde (Thierry Hancisse) pour donner une représentation de la comédie humaine. Le monde convoque donc des êtres auxquels il distribue les costumes et les personnages. Il y a le Riche (Jean-Pierre Michaël), le Roi (Eric Ruf), la Beauté (Elsa Lepoivre), la Sagesse (Catherine Salviat), le Pauvre (Michel Robin), le Laboureur (Christian Cloarec) et, qui n'entrera pas sur la scène circonscrite par le monde, l'enfant mort avant que d'être né, condamné à l'errance (Audrey Bonnet). Il y a aussi, pour accompagner l'auteur, la Loi de Grâce qui aide les hommes (Céline Samie). La Mort (Madeleine Marion) viendra tout rompre. C'est magnifique parce que pur, sobre, profond, splendidement incarné.
Un entracte et l'on découvre le « Procès en séparation de l'âme et du corps », avec les mêmes acteurs et la même plume exquise pour traduire. Florence Delay a accompli un remarquable travail, tentant de retrouver les rythmes, les cadences, les couleurs de la langue espagnole du XVIIe siècle avec ses aspérités et ses douceurs, sa musicalité.
Dans le « Procès », Audrey Bonnet, l'âme, est particulièrement impressionnante tandis que le corps, Thierry Hancisse, se débat. Péché, Eric Ruf, est jaloux... Là encore, la mort réglera tout. Malgré la Vie (Elasa Lepoivre), l'Entendement (Seweryn), la Volonté (Céline Samie). Et leurs camarades. Chacun fait merveille, enveloppé des sons d'une guitare (Charles-Edouard Fantin ou Gérard Rebours) dans un registre archaïque, profond et d'une modernité fascinante. A découvrir d'urgence !
Comédie-Française, salle Richelieu, en alternance jusqu'au 15 mai. Durée : 2 h 45 dont un entracte (0.825.10.16.80).
Les nouvelles traductions de Florence Delay devraient être prochainement publiées par L'Avant-Scène.
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