Anomalies de formation du tube neural (AFTN)

La fortification permettrait de réduire de moitié le nombre de malformations

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Publié le 03/03/2016
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acide folique

acide folique

En France, la supplémentation médicamenteuse en acide folique (0,4 mg par jour) est recommandée aux femmes désireuses de grossesse, au moins 4 semaines avant la conception et jusqu’à la 12e semaine d’aménorrhée. L’Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) invite les médecins à sensibiliser les femmes en âge de procréer et préconise une alimentation conforme aux repères du Programme national nutrition santé (1).

Malgré ces recommandations partagées au sein de la CEE, le taux d’anomalies n’a pas baissé depuis 25 ans. En Europe, près de 5 000 grossesses restent concernées chaque année par des anomalies graves de fermeture du tube neural comme le spina bifida et l’anencéphalie. Pour le Dr Babak Khoshnood, coordinateur d'une étude publiée dans le « British Medical Journal » (2) « les résultats simples de cette étude sophistiquée montrent que les recommandations ne sont pas efficaces : La voie de la supplémentation a échoué ». Pour le Dr Khoshnood, directeur de recherche INSERM (Unité 1153 « Centre de recherche épidémiologie et statistique Sorbonne Paris cité »), « la fortification (ajout d’acide folique dans les aliments de base comme le pain, les céréales, le riz) permettrait de réduire de moitié le nombre de malformations. C’est une chance à saisir car c’est le seul exemple de prévention primaire possible de cas de malformations ». Aujourd’hui, la diminution des anomalies par IMG n’est pas une solution satisfaisante, tout comme la chirurgie prénatale de cas de spina bifida, malgré cette réussite française réalisée l’été dernier à Paris. La mauvaise observance est la cause principale de l’inefficacité de la supplémentation encouragée ou volontaire. Même dans les cas de grossesse programmée, moins de 20 % des femmes ont eu recours à la supplémentation en acide folique.

Toucher toute la population

La fortification des aliments aura donc l’avantage de toucher toute la population, à commencer par les femmes moins informées et celles qui ne planifient pas leur grossesse. Il semble bien que les réticences spécifiquement européennes contre la fortification sont dues à des croyances sur la toxicité de l’acide folique, notamment des cas possibles de cancers. Selon le Dr Khoshnood, « il n’y a aucune étude qui a montré la toxicité de l’acide folique à la dose préconisée pour la fortification (0,163 mg/jour aux USA), qui est par ailleurs inférieure à celle recommandée aujourd’hui pour la supplémentation. Ces risques non documentés empêchent les décideurs d’avoir une position tranchée ». Alors, doit-on fortifier ? Pour le Dr Khoshnood, « les décideurs européens ont l’obligation de revisiter la question de façon sérieuse. Même s’il faut mettre en place de nouvelles études locales ou nationales pour apprécier ce problème de santé publique dans sa globalité, il faut un débat parmi les décideurs en France et une démarche concertée européenne, notamment pour le monitoring de la sécurité ». Selon lui, « il faut aussi accepter ce que les autres pays ont mis en place efficacement, en toute sécurité depuis longtemps ». La présence du médecin généraliste dans les discussions est indispensable car c’est le premier relais pour sensibiliser les femmes en âge de procréer.

(1) http://www.inpes.sante.fr/professionnels-sante/pdf/folates-grossesses.p…

(2) http://www.bmj.com/content/351/bmj.h5949

Emmanuel Lepoul

Source : Le Quotidien du médecin: 9476