Infertilité utérine

La greffe d’utérus, peut-être une solution d’avenir

Publié le 17/12/2015
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Les greffes d’utérus ouvrent une ère nouvelle en procréation médicalement assistée (PMA), bienvenue pour ces femmes privées d’utérus, agénésie utérovaginale (1 cas sur 4 500 filles) ou suites d’hystérectomie pour pathologie bénigne par exemple. Une femme sur 500 en âge de procréer serait ainsi privée d’utérus, de façon congénitale ou acquise, au total 200 000 personnes en Europe, plusieurs milliers en France.

L’équipe pionnière, celle du Pr Mats Brännström en Suède, avait, en juin, transplanté une dizaine de patientes à partir de donneuses vivantes, interventions qui se sont soldées d’ores et déjà par trois naissances vivantes (à cette étape de juin toujours). L’utérus provient généralement de la mère de la patiente, prévenue de la lourdeur et de la longueur du geste, plus de 10 heures pour prélever l’organe, et de 4 à 6 heures pour le greffer, la difficulté la plus grande étant d’obtenir une vascularisation utérine suffisante pour assurer la perfusion et le drainage veineux.

« Le prélèvement sur donneuse vivante n’est pas anodin, souligne le Dr Tristan Gauthier, chirurgien gynécologue au CHU de Limoges, premier en France à creuser en pratique ce sujet délicat, avec un risque de complications de l’ordre de 20 % (lésion de l’uretère, hémorragie ou thrombose), risque d’autant moins acceptable, que le succès, une naissance, est incertain… »

Le praticien lancera prochainement un protocole de recherche clinique à partir de donneuses en état de mort cérébrale : la chirurgie est plus simple, plus courte (30 minutes) et les donneuses sont plus jeunes, ce qui devrait augmenter les chances de réussite. Théoriquement, puisqu’encore aucune naissance n’a été obtenue à partir de donneuses décédées. Les femmes receveuses seront quant à elles strictement sélectionnées, en état de produire des ovules, motivées et conscientes, des limites de la greffe notamment.

Un rapport de l’académie

Pour accompagner ce nouveau chapitre de l’histoire de la transplantation d’organes, qui devrait donc s’écrire prochainement à Limoges et à l’Hôpital Foch (Suresnes) pour commencer, l’Académie nationale de médecine, par la voix du président du groupe de travail sur la transplantation d’utérus, le Pr Roger Henrion, a commis un rapport en juin. Celui-ci porte d’abord sur le choix des donneuses, vivantes ou décédées. Les greffes « vivantes » offrent l’avantage de pouvoir sélectionner la patiente, de programmer la chirurgie et de limiter le temps d’ischémie froide. Le don « vivant » qui n’était possible qu’aux parents (la mère de la receveuse) est désormais étendu à la famille et aux proches témoignant d’un lien affectif étroit. Pour les donneuses décédées, le consentement, comme pour tous les autres organes, serait remplacé par une simple information de la famille ou des proches, dès lors que la personne n’a pas fait connaître de son vivant son refus. Par ailleurs, le rejet aigu cellulaire paraît contrôlé par le traitement immunosuppresseur habituel.

À l’étape de la grossesse, ce traitement n’entraîne pas davantage de malformations et d’enfants morts-nés. En revanche, la forte augmentation de l’hypertension artérielle, de la prématurité et du retard de croissance intra-utérin oblige à une surveillance rapprochée, tous les 5 jours, en alternance par les obstétriciens et les équipes de transplantation.

Éventuelle alternative, à la gestation pour autrui, la greffe d’utérus est différente des autres greffes, en ce qu’elle n’est pas vitale, mais permet de donner la vie. « Une greffe éphémère, le temps pour une femme de mener une ou deux grossesses », tempère le Pr Henrion. Elle pose des problèmes éthiques dans la mesure où la mère, la donneuse, peut se sentir coupable de l’anomalie de sa fille et donc poussée à donner, puis psychologiques si l’intervention échoue.

Enfin, des interrogations subsistent sur l’avenir à long terme des enfants nés grâce à une greffe utérine : développeront-ils après 40 ans davantage de maladies auto-immunes et/ou de cancers ? Quoi qu’il en soit, de nombreuses difficultés (faisabilité, conditions de mise en œuvre, etc.) devront être surmontées avant que la transplantation utérine, actuellement au stade expérimental, puisse trouver place dans un programme national de transplantation d’organes.

Dr Brigitte Blond

Source : Le Quotidien du Médecin: 9459