De notre correspondant
E N avril prochain, les députés néerlandais devront se prononcer sur une libéralisation de la loi actuelle sur l'euthanasie (voir encadré), qui assouplira l'obligation faite au médecin de recueillir le consentement « explicite » des malades, dès lors que le praticien est convaincu de la volonté du patient d'abréger ses souffrances, même s'il n'est plus en mesure d'exprimer cette volonté.
De plus, les déclarations d'euthanasie effectuées par les médecins ne seront plus transmises aux tribunaux, comme c'est le cas actuellement, mais à des commissions régionales chargées de vérifier leur bien-fondé.
Pour les opposants au projet, la loi donnera aux médecins un « droit de tuer » incompatible avec l'éthique et les règles internationales de protection de la vie humaine. Hostile à ce texte, le parti démocrate-chrétien néerlandais (CDA) a fait appel au puissant Parti populaire européen (PPE), majoritaire au Parlement de Strasbourg, qui a rédigé une résolution condamnant cette législation et réclame un débat d'urgence sur le sujet.
Le CDA se sert du Parlement européen à des fins de politique intérieure, accusent les partis socialistes, libéraux-démocrates, libéraux et verts néerlandais, qui détiennent à eux quatre 70 % des sièges du Parlement de La Haye et sont partisans de la nouvelle loi. Ils contestent ce qu'ils considèrent comme une « ingérence dans les affaires intérieures hollandaises » et rappellent que l'Union européenne n'a aucune compétence en matière de droit pénal.
Pour ces partis, la présentation de la loi néerlandaise, fruit de quinze ans de débat démocratique, a été « déformée volontairement en Europe par ses détracteurs », alors qu'elle ne constitue en aucun cas une « dépénalisation » de l'euthanasie, mais fixe au contraire un cadre clair et transparent à cette pratique, qui reste condamnable si elle est effectuée en dehors du cadre de la loi. Emmené par les démocrates-chrétiens allemands et autrichiens, le PPE fait campagne contre la loi néerlandaise. Il existe, souligne-t-il, d'autres moyens pour lutter contre la souffrance des mourants et, en premier lieu, les soins palliatifs : le 14 février, il organisait une audition publique sur ce thème, en invitant plusieurs médecins et parlementaires français, britanniques, allemands et autrichiens à témoigner de leur expérience dans ce domaine.
En Belgique aussi
Le PPE tentera à nouveau de faire inscrire un débat sur l'euthanasie à l'ordre du jour de la prochaine session du Parlement européen, mais le centre et la gauche néerlandais ont obtenu le soutien de leurs partis européens « frères » dans ce dossier, ce qui laisse prévoir de nouvelles escarmouches dans l'enceinte européenne. Le débat risque de s'enflammer, d'autant plus que la Belgique envisage, elle aussi, de dépénaliser prochainement l'euthanasie, avec, là encore, des positions inconciliables entre les « pro » et les « anti », qui s'apprêtent à leur tour à appeler leurs alliés européens à la rescousse.
10 000 demandes d'euthanasie chaque année
Selon le gouvernement hollandais, près de 10 000 malades font chaque année une « demande d'euthanasie », qui est acceptée par les médecins dans un cas sur trois. Le médecin qui pratique l'euthanasie doit respecter un certain nombre de critères (recueil du consentement, certitude que les souffrances sont intolérables et sans issue...) et est tenu de déclarer à la justice qu'il a lui-même « euthanasié » le malade. En l'absence de consentement préalable, l'euthanasie reste punissable, même si l'on estime qu'un millier de grands malades ou de nouveau-nés gravement handicapés sont « euthanasiés » sans avoir pu exprimer leur consentement.
Par ailleurs, les médecins pratiquent environ 400 « suicides assistés » par an dans le pays.
La nouvelle version de la loi permettra aux médecins, en fonction de leur « intime conviction », de mettre un terme à la vie de malades qui n'auraient pu exprimer leur consentement, mais établit des critères très stricts pour procéder à un tel acte. Actuellement, seul un cas sur deux d'euthanasie est effectivement déclaré par les médecins aux tribunaux. La nouvelle loi contraindra les médecins à déclarer tous les cas d'euthanasie aux commissions établies dans ce but, qui gardent la possibilité de transmettre l'affaire à la justice si elles estiment que le médecin n'a pas respecté strictement le cadre de la loi pour accomplir son acte.
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