Pour rappel, le modèle proposé par Viberti, Parving et Mogensen de 1980 à 1990 était l’augmentation progressive de l’excrétion urinaire d’albumine comme le primum novens suivie du développement progressif de l’insuffisance rénale vers le stade ultime de la dialyse. Dans ce modèle, l’insuffisance rénale était secondaire au développement initial de l’albuminurie.
Mais des études épidémiologiques ont montré qu’une proportion non négligeable de patients avec micro-albuminurie présentait ensuite une régression, voire une normalisation de leur excrétion urinaire d’albumine et revenaient au stade de normo-albuminurie. Les données de l’étude DCCT ont révélé les mêmes résultats.
Près de 69 % des DT1 de la Joslin Clinic qui avaient présenté une micro-albuminurie n’ont pas progressé, au cours d’un suivi de 10 à 14 ans. De manière inattendue, les patients qui ont présenté une protéinurie n’avaient pas de déclin de la fonction rénale, même après 10 à 15 ans de suivi.
En revanche, 30 % environ des patients DT1 ont présenté un déclin de la fonction rénale au cours du suivi de 15 ans. Certains déclinaient rapidement et d’autres plus lentement (la perte du DFG estimé variait entre 3 et 17 % par an).
Certains DT1 ont présenté une insuffisance rénale sans apparition préalable d’une micro-albuminurie, pourtant recherchée annuellement à la Joslin Clinic, ce qui, pour l’auteur, souligne le peu d’intérêt de celle-ci, comme marqueur du pronostic rénal. Le déclin de la fonction rénale a commencé tôt pour Krolewski, qui parle de déclin précoce de la fonction rénale chez ces patients « progresseurs ». Il existe indéniablement des différences interindividuelles importantes pour l’évolution du DFG au cours du temps, ce qui rend difficile la prédiction du pronostic rénal des patients.
Un des messages martelés haut et fort par le Pr Krolewski est que certains patients DT1 avec protéinurie n’évolueront jamais vers l’Insuffisance rénale terminale (IRT) – ce qui est un message positif pour eux – et que la présence d’une micro-albuminurie ne modifie pas, selon lui, l’évolution de la fonction rénale.
Pour étayer ses propos, il a montré les données de la Joslin Clinic : au sein d’une cohorte de DT1 avec protéinurie qui a été suivie pendant 7 à 18 ans, 50 % des patients ont présenté un déclin précoce de la fonction rénale (› 3,5 ml/min/an) et 50 % ont conservé une fonction rénale stable. Certains ont développé une IRT en moins de 2 ans. Le déclin précoce de la fonction rénale touche des patients qui avaient un DFG normal initialement. L’évolution vers l’IRT nécessite 2 à 30 ans selon les patients. Il n’existe pas de modèle animal de déclin précoce de la fonction rénale et les études physiopathologiques ou d’intervention doivent donc être effectuées chez l’homme.
Vers de nouveaux marqueurs systémiques
L’équipe de Krolewski a donc recherché des biomarqueurs précoces de déclin de la fonction rénale. Une trentaine de protéines ont été testées, certaines ont une meilleure valeur prédictive que l’albuminurie (comme le taux de MCP-1 urinaire). Ils ont aussi montré que la concentration plasmatique de KIM-1 est un marqueur robuste du déclin de la fonction rénale (plus la concentration est élevée, plus le risque est grand). La valeur prédictive de KIM-1 est indépendante de celle de l’albuminurie.
Pour le Pr Krolewski, les altérations tubulaires (KIM-1) et l’inflammation (MCP-1) semblent jouer un rôle plus important dans le déclin précoce de la fonction rénale que l’atteinte glomérulaire. Les marqueurs urinaires ne sont probablement pas des facteurs étiologiques mais plutôt des marqueurs d’une atteinte tissulaire rénale.
Les analyses de protéomique et de metabolomique (métabolites dosés) sont nécessaires pour identifier des nouveaux marqueurs systémiques, en parallèle aux études génétiques en cours, en association d’ailleurs avec une équipe française.
Une étude très récente basée sur des résultats de proteomique a démontré que la concentration plasmatique des récepteurs 1 et 2 du TNF-alpha était fortement prédictive du déclin de la fonction rénale dans le DT1. Tous ces patients étaient traités par un bloqueur du système rénine angiotensine. La concentration de TNFR1 est très stable au cours du temps et pourrait ainsi permettre d’identifier les patients diabétiques à haut risque de progresser vers l’IRT. Les mécanismes physiopathologiques sous-jacents ne sont cependant pas connus et on ne sait pas si la réduction de la concentration de TNFR1 diminue le risque rénal.
Le Pr Krolewski a rappelé que les patients à haut risque de déclin précoce de la fonction rénale peuvent être identifiés à l’aide de nouveaux biomarqueurs comme TNFR1. Il faut leur proposer une optimisation du contrôle glycémique avec une HbA1c inférieure à 8 % pour ralentir la progression vers l’insuffisance rénale terminale. Chez les diabétiques avec protéinurie, cette amélioration du contrôle glycémique retarde l’apparition de l’IRT de 6 à 10 ans. L’amélioration de l’équilibre glycémique doit être cependant maintenue pendant au moins 3 à 6 ans.
Session KWL01.
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