Alors voilà Maurice qui a fait un arrêt cardiaque. Dans la voiture qui file à fond de train à travers la ville, je demande son âge :
- 45 ans.
- Aïe...
(Mot stupide s'il en est pour désigner la situation d'un homme de 45 ans en train de mourir : Aïe...).
À côté de moi, E. l'infirmière.
Depuis ce matin, je l'appelle Maman. Dans le service, quand une collègue tombe enceinte je l'appelle Maman.
Pourquoi ?
D'abord c'est drôle, ensuite ça leur rend service : je les habitue au rôle magnifique qui les attend.
[Petit aparté : réfléchissons-nous suffisamment combien ce mot de « Maman » est beau ? C'est le seul mot qui, s'il est crié très fort dans la rue, a le pouvoir de faire se retourner toutes les femmes... ou presque].
Nous étions donc quatre : le chef, l'ambulancier, Maman et moi.
Et Maurice qui, avant de s'écrouler, a vomi absolument partout. Je masse Maurice, les genoux dans les vomissures, l'estomac dans les talons.
Une image idiote me traverse : Nana Mouskouri en train de chanter « Quand tu chantes, quand tu chantes, Wizard »
PSHITT ! PSHITT !
Tout est bon pour prendre de la distance, même Nana Mouskouri.
Je masse.
« Il parfume, il créait l'ambiance, Wizard »
PSHITT ! PSHITT !
Maman, en train de préparer ses perfs, est blanche comme un linge :
- Je crois que je vais vomir. D'habitude le vomi, ça ne me fait rien, mais là...
Elle porte la main à son ventre.
Moi, à ce moment précis, je pense :
1- Tiens ! Maman a des nausées !
2- Et merde ! Nana Mouskouri ne fait plus effet (on ne peut pas compter sur les grecs...),
3- Oh, oh... je suis dangereusement en train de me laisser envahir par l'idée que j'ai sous les mains un monde de tristesse en devenir.
Je fais donc la seule chose sensée : mes pensées se jettent sur les nausées de Maman comme un miséreux sur du bon pain.
Maman a envie de vomir... C'est génial ! Elle a envie de rendre son déjeuner... C'est fantastique ! Elle va retapisser mon paysage avec son bœuf-bourguignon à moitié digéré... Vive les nausées de Maman !
Et je m'en réjouis, et je m'en émerveille, et je m'en ragaillardis.
Parce que ses nausées à elle, ses nausées de Maman, elles sont une bonne nouvelle, je veux dire : ses nausées sont VRAIMENT une bonne nouvelle en devenir.
Retrouvez Baptiste sur son blog Alors voilà.
(*) Crédit illustration : Adieu, et à demain
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