De notre envoyé spécial
A la fin de la semaine dernière, il y a eu un épisode de courte durée mais significatif du réajustement de la politique américaine de santé. Le quotidien « USA Today » ayant annoncé la suppression du bureau national de lutte contre le SIDA à la Maison-Blanche, les services de communication du président, après deux ou trois heures d'hésitations et de tergiversations, ont annoncé que le bureau en question n'était pas supprimé, mais seulement déménagé.
On reconnaît toutefois, à la Maison-Blanche, que la suppression de l'équipe chargée de définir la politique présidentielle en matière de SIDA (c'est Bill Clinton qui l'avait mise en place) a été envisagée, mais que, à la dernière minute, les conseillers de « W » en ont craint les conséquences politiques.
Un autre bureau, celui qui s'occupe des relations raciales, devait aussi être supprimé. On affirme maintenant à la Maison-Blanche que les déménagements de bureaux n'impliquent pas un changement de politique et que le président reste accessible à tous ceux qui luttent contre le SIDA (ou contre le racisme).
Toutefois, pour un certain nombre d'associations, le déménagement équivaut à une disparition. Si on appelle la Maison-Blanche au téléphone, on ne peut plus obtenir le bureau de liaison sur le SIDA. « Il n'y a plus d'équipe présidentielle chargée de la politique nationale en matière de SIDA, a déclaré David Smith, porte-parole de la Human Rights Campaign, et nous ne pouvons que nous en indigner. » M. Bush lui-même, répondant à la question d'un journaliste au terme d'une conférence de presse sur les réductions d'impôts, a précisé : « Nous nous préoccupons du SIDA à la Maison-Blanche, ne vous trompez pas à ce sujet. »
C'est un peu une tempête dans un verre d'eau dans la mesure où l'utilité, en termes de santé publique, du bureau, était relative. Mais cette vraie-fausse disparition s'ajoute à d'autres dipositions susceptibles de modifier en profondeur la politique de santé du gouvernement.
Les chercheurs craignent notamment que M. Bush n'interdise le financement fédéral de la recherche sur les cellules souches d'embryons, comme le président l'a laissé entendre. « Ce serait une mesure dévastatrice, déclare le Dr John Gearhart, de Johns Hopkins, codécouvreur du rôle des cellules souches ; des milliers de patients comptent sur les thérapies qui vont naître des travaux conduits sur ces cellules. Si le financement fédéral des études n'est pas accordé, nous ne pourrons pas les poursuivre. »
M. Bush a dit, il y a une dizaine de jours, qu'il préférait que les chercheurs se contentent de travailler sur les cellules souches adultes. Jusqu'à présent, les études financées par des bourses fédérales ne peuvent concerner les cellules souches de l'embryon humain. Mais le National Institute of Health (NIH) s'apprêtait à accorder, au printemps, des fonds fédéraux à de nouvelles études. Tout le monde pense à Washington que M. Bush ne donnera pas son feu vert. Terry Hartle, porte-parole d'un groupe d'universités, se lamente : « Compte tenu de l'énorme investissement du gouvernement dans la recherche biomédicale, ce serait une tragique erreur d'empêcher des études qui, sous la houlette de l'administration, pourraient être conduites dans le respect de l'éthique et avec des contrôles scientifiques rigoureux. »
Bien entendu, le président, qui souhaite effacer la forte empreinte laissée par Bill Clinton à la Maison-Blanche, répond aussi aux vœux de son électorat, qui est, dans sa grande majorité, antiavortement et anticontraception. Déjà, des parlementaires tentent de limiter l'usage du RU 486 qui a été approuvé, il y a quelque mois à peine, par la Food and Drug Administration (FDA). Et la décision de George W. Bush (une des toutes premières qu'il ait adoptées) d'interdire le financement, par le gouvernement américain, des ONG spécialisées dans le planning familial à l'étranger, fait craindre une recrudescence des grossesses d'adolescentes en Europe et une propagation encore plus grande du SIDA en Afrique.
Sally Ethelson, de Population Action International, souligne que la Russie dépend étroitement du financement américain pour le planning familial et elle dénonce « le retour à l'ère Reagan ». « Tout le monde sait, dit-elle, que dans les anciennes républiques d'Union soviétique, le seul moyen de réguler la fertilité était l'avortement. Nous leur avons fait connaître la contraception, et si nous cessons de financer nos campagnes pour la contraception, le seul résultat possible sera une hausse du nombre d'avortements. »
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