« Lettres mortes », par Rosario Audras

La puissance du réel

Publié le 16/01/2001
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I L ne s'agit pas d'un spectacle de plus qui puiserait sa matière dans ces lettres échangées pendant la guerre de 14-18 et qui ont souvent fait l'objet de montages pour le théâtre, la radio, l'édition. Ce que réussit Rosario Audras par le choix très strict des textes, établi avec Emmanuel de Dietrich, et par la grâce des remarquables interprètes qui ont choisi de s'engager dans ce travail, c'est de dépasser l'anecdotique, qui bouleverse, serre le cœur, pour aller jusqu'à ce qu'il y a d'universel dans ces pauvres mots de l'amitié, de l'affection, du désespoir, de la peur, de la sévérité.

Elle nous dit quelque chose de très profond qui dilate ces textes datés jusqu'à l'universel.
Un dispositif scénique qui dénude la cage de scène de Gémier et laisse béants, comme des tranchées, de gros boyaux qui sont aussi les veines même de tout homme (Sylvie Kleiber), des costumes sobres (Claudine Lachaud), des lumières discrètes (Laurent Castaingt), une utilisation très sobre du son et des comédiens, qui disent ces lettres avec une rigueur sans faille, avec beaucoup de sensibilité et de dignité. Renaud Bécard, Nathalie Cerda, Thierry Frémont, Jean-Claude Jay, Claire Wauthion et, en alternance, Elise Lhomeau ou Mathilde Rivière. On les cite tous, si humbles, si puissants, si concentrés, si virtuoses dans les changements de registre. Remarquables. Parfois, dans une lettre de quelques secondes, gît tout un destin terrible, repose tout le paysage douloureux de la guerre, toute la souffrance, toute l'espérance. Toute la cruauté d'être au monde.

Théâtre-Gémier de Chaillot, du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h. Durée : 1 h 15 sans entracte. Jusqu'au 27 janvier (01.53.65.30.00).

HELIOT Armelle

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6836