LES VOIES de la recherche peuvent créer des associations surprenantes. Par exemple, lorsque des stomatologistes rejoignent des orthopédistes. Il s’agissait, ici, de tester, chez l’animal, des cellules souches d’origine dentaire dans le traitement des sections de moelle. Le résultat a dépassé les espérances.
Commençons par le plus explicite : le résultat. Chez des rats, Kiyoshi Sakai et coll. (Nagoya, Japon) ont réalisé une section complète de moelle. Immédiatement après (une situation quasi-impossible en clinique), ils ont transplanté, in situ, des cellules souches originaires de pulpe dentaire humaine. Les chercheurs ont constaté une nette récupération des fonctions locomotrices des pattes arrières. D’autres essais réalisés avec des cellules souches humaines originaires de la moelle osseuse ou dérivées de fibroblastes cutanés ont entraîné une moins bonne récupération locomotrice.
Trois activités neurorégénératives.
Les cellules souches dentaires agissent, en fait, grâce à trois activités neurorégénératives majeures. La première, elles inhibent l’apoptose des neurones, des astrocytes et des oligodendrocytes occasionnée par la section de moelle. Cette inhibition favorise la préservation des filaments des neurones ainsi que de la gaine de myéline. La deuxième, elles favorisent la régénération des axones sectionnés en bloquant, par des mécanismes paracrines, l’action de plusieurs inhibiteurs de la repousse axonale. Il s’agit notamment de la chondroïtine sulfate, de la glycoprotéine associée à la myéline. Enfin, elles remplacent les cellules perdues en provoquant la différenciation d’oligodendrocytes. Globalement les cellules souches de pulpe dentaire déclenchent leur activité thérapeutique en favorisant à la fois l’autonomie cellulaire et les activités neurorégénératives paracrines.
Comment les Japonais en sont-ils arrivés à concevoir cette hypothèse thérapeutique ? Tout d’abord à la suite des succès mitigés des transplantations de cellules souches d’origines neurale, embryonnaire ou stromales médullaires. Si elles avaient, en effet, permis une récupération fonctionnelle substantielle, les survies des cellules étaient faibles, ainsi que leur différenciation.
Or, les cellules souches de la pulpe dentaire bénéficient d’un autorenouvellement. Il est admis qu’elles trouvent leur origine embryologique dans la crête neurale. Elles expriment des marqueurs précoces des cellules souches à la fois mésenchymateuses et neuroectodermiques. Elles se sont montrées capables de se différencier en ostéoblastes, chondrocytes, adipocytes, cellules endothéliales, mais aussi, in vitro, en neurones fonctionnels. Elles expriment des facteurs trophiques favorisant la survie, la prolifération, la différenciation et la migration des neurones. Autant de qualités qui font écrire aux auteurs, que « selon des études antérieures… elles constituent l’unique source cellulaire pour des traitements neurorégénératifs. »
Deux arguments, et non des moindres, parachèvent le tableau positif. Après un délai de huit semaines post-implantatoire, il n’y a pas eu de transformation maligne des cellules. Il existe, enfin, un moyen éthique, peu invasif et sans conséquences pour les donneurs de récupération des cellules souches de pulpe dentaires : les extractions de dents de sagesse.
J Clin Invest doi:10.1172/JCI59251.
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