L A décision d'Alan Greenspan, président de la Banque américaine des réserves fédérales (Fed), de diminuer les taux d'intérêt a été accueillie négativement par les marchés financiers, dont les cours ont baissé à New York et dans le monde, sauf au Japon.
Pourquoi ? Une réduction des taux d'intérêt est toujours considérée comme un soutien à l'activité économique, puisqu'elle permet aux entreprises d'emprunter de l'argent à meilleur marché. La diminution de 0,50 % du taux de base américain n'est nullement négligeable : c'est beaucoup en une seule fois. Mais voilà : les investisseurs s'attendaient à une réduction de trois quarts de point (0,75 %). L'effort consenti par M. Greenspan leur a paru insuffisant, d'où leur morosité et même leur perte de confiance.
Cette réaction pose un problème de fond : est-ce que la Bourse, ou plutôt les investisseurs en Bourse, a pour tâche de définir la politique monétaire ? De toute évidence, la réponse est non. Ceux qui achètent des actions ne voient pas plus loin que le bout de leur lorgnette, et ce bout, c'est tout simplement les profits qu'ils peuvent faire. La Fed et M. Greenspan plus particulièrement ont d'autres responsabilités : ils doivent s'assurer que le péril le plus grave, l'inflation, est conjuré ; ils s'intéressent en outre à une foule de paramètres : la production industrielle, le taux de chômage, l'évolution de la masse monétaire, la mise en chantier des nouvelles constructions, la balance extérieure, la productivité, la liste est longue. Ils recherchent des équilibres qui vont bien au-delà d'un portefeuille d'actions et de SICAV.
Il n'est donc pas question que la Bourse dicte à la Fed, par ailleurs indépendante du gouvernement des Etats-Unis, ses décisions. M. Greenspan, au demeurant, savait qu'il décevrait les boursicoteurs, puisque tout le monde parlait d'une diminution de 0,75 % des taux d'intérêt américains avant même que la décision ne fût prise. A la veille de cette décision, les cours montaient de plusieurs points, anticipant la bonne nouvelle. Les détenteurs d'actions ont donc mangé leur pain blanc avant qu'il ne fût sorti du four.
Le problème, c'est qu'en adoptant de tels comportements, les épargnants vont provoquer les malheurs auxquels ils souhaitent échapper. La rechute des cours, mercredi, risque de durer et donc de faire fondre encore une capitalisation boursière qui, aux Etats-Unis, a perdu près de 4 000 milliards de dollars en un an (- 1 000 milliards de francs en France). Bien entendu, si la ruine des épargnants est généralisée, l'économie américaine et mondiale finira par s'en ressentir. La Bourse ne participe guère à la prospérité d'un pays (sauf en termes d'épargne et de capitalisation), mais elle peut très bien en assurer la ruine. Il se trouve justement qu'il n'y a pas un expert pour qui la crise actuelle soit grave. Si la croissance a considérablement ralenti aux Etats-Unis, le chômage n'y a progressé que très faiblement et l'expansion est censée repartir de plus belle au second semestre. Il était donc possible de passer le cap de la dépression dans quelques semaines. Mais si les boursicoteurs s'en mêlent, le désastre finira par se produire.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature